COUR SUPRÊME DU CANADA RÉFÉRENCE : R. c. D.L.W., 2016 CSC 22 APPEL ENTENDU : 9
COUR SUPRÊME DU CANADA RÉFÉRENCE : R. c. D.L.W., 2016 CSC 22 APPEL ENTENDU : 9 novembre 2015 JUGEMENT RENDU : 9 juin 2016 DOSSIER : 36450 ENTRE : Sa Majesté la Reine Appelante et D.L.W. Intimé - et - Animal Justice Intervenant TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CORAM : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Côté et Brown MOTIFS DE JUGEMENT : (par. 1 à 124) MOTIFS DISSIDENTS : (par. 125 à 153) Le juge Cromwell (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Moldaver, Karakatsanis, Côté et Brown) La juge Abella NOTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada. R. c. D.L.W. Sa Majesté la Reine Appelante c. D.L.W. Intimé et Animal Justice Intervenant Répertorié : R. c. D.L.W. 2016 CSC 22 No du greffe : 36450. 2015 : 9 novembre; 2016 : 9 juin. Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Côté et Brown. EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE Droit criminel — Bestialité — Éléments de l’infraction — Interprétation — Accusé reconnu coupable de bestialité — Accusé étendant du beurre d’arachides sur le vagin de la plaignante et faisant en sorte que le chien le lèche alors qu’il captait la scène sur bande vidéo — Le terme « bestialité » a-t-il un sens juridique bien défini en common law et, dans l’affirmative, le législateur a-t-il voulu s’écarter de cette signification lorsque ce terme a été introduit pour la première fois dans la version anglaise du Code criminel? — La pénétration est-elle un élément essentiel de l’infraction de bestialité? — Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, art. 160. Au terme d’un procès de 38 jours, D.L.W. a été reconnu coupable de nombreuses infractions d’ordre sexuel commises contre ses deux belles-filles sur une période de dix ans, y compris un seul chef d’accusation de bestialité. D.L.W. a amené le chien de la famille pour la première fois dans la chambre avec la plaignante plus âgée quand elle avait 15 ou 16 ans. Il a alors tenté de faire en sorte que le chien ait des rapports sexuels avec elle et, lorsque cela n’a pas fonctionné, il a étendu du beurre d’arachides sur son vagin et a pris des photos pendant que le chien le léchait. Il a par la suite demandé à la plaignante de le refaire pour qu’il puisse l’enregistrer sur vidéo. Au procès, il a été conclu que D.L.W. avait agi de la sorte à des fins d’ordre sexuel. De l’avis du juge du procès, la bestialité au sens du Code s’entend des attouchements auxquels se livre une personne avec un animal à des fins d’ordre sexuel et il a conclu que la pénétration n’est pas nécessaire. Le juge du procès a préféré interpréter les éléments constitutifs de la bestialité de façon à ce qu’ils reflètent ce qui est considéré de nos jours comme des actes sexuels prohibés. La majorité de la Cour d’appel a accueilli l’appel interjeté par D.L.W. contre la déclaration de culpabilité pour bestialité et elle l’a acquitté de ce chef d’accusation. La majorité a conclu que, suivant le sens qui a été donné au terme « bestialité » en common law, la pénétration est un élément essentiel de l’infraction de bestialité. Le juge dissident a conclu que la pénétration n’était pas un élément constitutif de l’infraction de bestialité et il aurait rejeté l’appel. Arrêt (la juge Abella est dissidente) : Le pourvoi est rejeté. La juge en chef McLachlin et les juges Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Côté et Brown : Depuis 1955, les infractions criminelles au Canada sont entièrement créées par la loi (sauf l’outrage criminel au tribunal). Toutefois, la common law continue de jouer un rôle important lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui constitue un comportement criminel. En effet, il faut souvent recourir à des notions de common law pour définir les éléments d’une infraction créée par la loi. L’application des principes qui guident l’interprétation des textes de loi mène en l’espèce à la conclusion que le terme « bestialité » a un sens juridique bien établi et qu’il s’entend des rapports sexuels entre un être humain et un animal. La pénétration a toujours été considérée comme un élément essentiel de la bestialité. Le législateur a adopté ce terme sans le définir, et l’historique et l’évolution des dispositions pertinentes ne démontrent pas qu’il avait l’intention de s’écarter de sa signification juridique bien définie. De plus, les tribunaux ne devraient pas, en faisant évoluer la common law, élargir la portée de la responsabilité afférente à l’infraction de bestialité. Tout élargissement de la responsabilité criminelle liée à cette infraction relève de la compétence exclusive du législateur. Lorsque le législateur utilise un terme comportant un sens juridique, il veut généralement lui donner ce sens. Lorsqu’ils sont utilisés dans une loi, les mots qui ont une signification juridique bien définie devraient recevoir cette signification, sauf si le législateur indique clairement autre chose. Une autre considération est le principe connexe de la stabilité du droit voulant qu’en l’absence d’une intention contraire exprimée clairement par le législateur, une loi ne devrait pas être interprétée de façon à modifier substantiellement le droit, y compris la common law. Le législateur est censé connaître le droit existant et il n’a probablement pas voulu y apporter de changements importants à moins de l’indiquer clairement. Bien que ces principes d’interprétation soient faciles à énoncer, la façon de les appliquer dans un cas particulier peut prêter à controverse. Parfois la controverse porte sur l’état de la common law au moment où le législateur a agi : autrement dit, le débat porte alors sur la question de savoir si le terme utilisé avait un sens juridique bien défini lorsqu’il a été introduit dans la loi. En l’espèce, le terme « bestiality » (bestialité) avait un sens juridique clair lorsque le législateur l’a utilisé sans le définir dans la version anglaise du Code criminel de 1955. La bestialité s’entendait d’un acte de sodomie avec un animal et exigeait une pénétration. Il ne faisait aucun doute que, pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite devait établir qu’un acte de pénétration avait été commis sur un animal ou, dans le cas d’une femme, que l’acte de pénétration avait été commis par l’animal. Tel était l’état du droit lorsque la Offences Against the Person Act, 1861 a été adoptée en Angleterre. L’infraction a été importée essentiellement sous cette forme dans la première version anglaise du Code criminel canadien de 1892 et elle est demeurée en vigueur jusqu’à ce que l’infraction appelée bestiality soit introduite dans la version anglaise du Code lors de la révision de 1955. Au Canada, tout comme en Angleterre, il ressort des origines de l’infraction que ce que l’on appelait communément « bestialité » était compris dans l’infraction appelée sodomie et que la pénétration était l’un de ses éléments essentiels. La version de langue anglaise de la loi canadienne prévoyait simplement que la sodomie avec un animal était une infraction, mais elle ne l’a pas définie davantage. Or, comme l’équivalent français de « buggery [. . .] with any other living creature » est « bestialité », cela démontre que « buggery with an animal » et « bestialité » désignent la même chose. Il est impossible de mettre sérieusement en doute le fait que l’infraction canadienne de bestialité/buggery with an animal prévue au Code de 1892 qui est demeurée en vigueur jusqu’à la révision de 1955 avait un sens généralement reconnu : l’infraction exigeait une pénétration sexuelle impliquant un être humain et un animal. En utilisant ce terme sans le définir, le législateur voulait retenir son sens juridique bien défini. Le législateur n’a pas modifié explicitement ou par déduction nécessaire le sens juridique bien défini du terme « bestialité » lorsqu’il a modifié le Code criminel en 1955 et en 1988. Aucune disposition légale n’élargit expressément la portée de l’infraction de bestialité. En outre, l’évolution et l’historique législatifs ne permettent aucunement de conclure que le législateur a voulu faire implicitement une telle modification. La clarté et la certitude requises sont totalement absentes. Les tribunaux ne concluront à la création d’un nouveau crime que si les mots utilisés pour ce faire sont sûrs et définitifs. Cette approche tient compte non seulement des fonctions revenant à bon droit respectivement au législateur et aux tribunaux, mais également de l’exigence fondamentale en droit criminel que les gens sachent ce qui constitue une conduite punissable et ce qui ne l’est pas, surtout lorsque leur liberté est en jeu. Il revient au législateur d’examiner, s’il le juge à propos, les questions importantes de politique pénale et sociale que soulève l’élargissement de l’infraction de bestialité. Le législateur peut vouloir se demander si les dispositions actuelles protègent adéquatement les enfants et les animaux. Il appartient cependant au législateur, et non aux tribunaux, d’élargir la portée de la responsabilité criminelle liée à cette infraction. En l’absence uploads/S4/ decision-de-la-cour-supreme-du-canada.pdf
Documents similaires










-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 09, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.5070MB