COMMENTAIRE DU PREMIER ARRET PREJUDICIEL DE LA CJ-CEMAC (2) Commentaire d'arrêt

COMMENTAIRE DU PREMIER ARRET PREJUDICIEL DE LA CJ-CEMAC (2) Commentaire d'arrêt publié le 11/04/2014, vu 583 fois, Auteur : Dr KAMWE MOUAFFO II/ LE CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE, UNE COMPETENCE EXCLUSIVE DU JUGE COMMUNAUTAIRE L’arrêt DJEUKAM n’aurait jamais dû compter au rang des arrêts préjudiciels; en droit, sa phase nationale n’aurait jamais dû avoir lieu. En effet, était en cause dans ce premier arrêt préjudiciel un fonctionnaire communautaire sollicitant sur l’attribution des indemnités suite à sa rétrogradation par l’institution qui l’employait. Toutes les conditions d’une action de fonctionnaire communautaire contre son employeur étaient dès lors réunies (A), donnant lieu à la saisine à titre exclusif du juge communautaire, sur la base de recours spécifiques (B). A/ LES CONDITIONS DU CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE Le juge communautaire jugea avec une grande sévérité le manque de rigueur des juges de BANGUI : « En réalité il incombait en l'espèce aux juridictions nationales centrafricaines à partir des indications factuelles du litige, de rechercher dans les règles de droit internes de leur Etat, si elles étaient compétentes ratione materiae pour connaître d'un recours dirigé par un fonctionnaire contre une institution spécialisée de la Communauté, en l'occurrence l'Ecole Inter - Etats des Douanes »1. A notre sens, ces manquements caractérisant une saisine mal orientée doivent être partagés avec la défense. En effet, ab initio, le dossier présenté par le client, puis le justiciable DJEUKAM contenait deux éléments d’extranéité orientant vers une consultation au moins sommaire de textes communautaires soit généraux2, soit particuliers3 : la qualité professionnelle du requérant qui appartenait au corps de la fonction publique communautaire et le rattachement communautaire de l’institution défenderesse, l’Ecole inter-Etats des douanes, institution communautaire spécialisée. Ils constituaient déjà les deux conditions imposant dès lors le recours au juge de N’djamena et aucunement à l’un des juges du système juridictionnel centrafricain. 1. Un fonctionnaire communautaire L’article 4 de la Convention régissant la CJ.CEMAC est le texte de référence des compétences de la juridiction communautaire, qui ne sont que des compétences d’attribution. Concernant le contentieux de la fonction publique communautaire, l’alinéa dernier de cet article dispose que : « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions. (…). Elle est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la C.E.M.A.C. et les Agents des Institutions de la Communauté, à l’exception de ceux régis par des contrats de droit local »4. Le caractère exclusif de cette compétence de la CJ.CEMAC est clairement exprimé par l’article 21 de la même Convention : « La Chambre Judiciaire connaît en premier et dernier ressort des litiges entre la Communauté et ses agents ». Le terme « agent » englobe les différences de positions professionnelles que reflète le corps de la fonction publique communautaire5. Cependant, les deux Règlements qui organisent les relations entre la CEMAC et ses agents visent les « fonctionnaires » respectivement du Secrétariat exécutif et de la Communauté6. Les deux premiers règlements visaient le « personnel » de la CEMAC. Ces deux règlement sont appelés à cohabiter, car le dernier, intervenu seulement en 2009 n’abroge que les dispositions antérieures contraires, selon son article 122. On est donc admis à penser que le règlement n° 08 continuer de s’appliquer dans ses dispositions conformes. Comme texte de base des relations entre les agents et la Communauté, les définitions relatives à la qualité de « fonctionnaire » doivent être recherchés dans ces Règlement de statut. L’étude s’en tiendra au seul règlement de 2009 essentiellement pour éviter les réécritures. Reprenant l’article 1er du Statut des fonctionnaires de 1999, l’article 2 du statut de 2009 donne la définition suivante du fonctionnaire de la CEMAC, somme toute simple : « Il s’agit de toute personne nommée et titularisée dans l’un des emplois permanents ouverts dans les services d’une Institution, d’un Organe ou d’une Institution de la CEMAC ». Il se distingue ainsi de l’agent contractuel et de l’agent local. Le premier est un fonctionnaire communautaire dont la durée de service est contractuellement limitée et le second, un agent non intégré au corps des fonctionnaires communautaires et dont le statut reste régi pas le droit national. La position juridique de vacataire, occupée par le Sieur DJEUKAM, a-t-elle pu déterminer le recours plutôt à un juge national, sur la base de ce qu’il serait lié à EIED par un contrat de droit local ? L’hypothèse n’a pas été évoquée dans l’arrêt, et elle semble au demeurant peu plausible, au regard des fonctions de chef de Département qui lui furent ultérieurement confiées. Toutefois, elle s’avère sensible car, dans l’affaire ASSIGA AHANDA, cadre contractuel de la BEAC victime d’une mesure de rétrogradation, l’institution d’émission soulevait à titre liminaire le défaut de qualité du requérant, personnel contractuel, pour contester son droit de saisine de la CJ.CEMAC dans le cadre du contentieux des fonctionnaires communautaires. La réponse du juge, maladroitement motivée à notre sens, tendait à rejeter ce moyen, l’article 13 de l’Acte Additionnel n° 04/O0/CEMAC - 041 - CCE - CJ - 02 portant Règlement de procédure de la Chambre Judiciaire n’ayant pas selon lui spécifié le lien juridique qui devrait exister entre l’institution communautaire et l’agent qui la poursuit7. 1. Une institution communautaire Le fonctionnaire communautaire doit saisir la CJ.CEMAC pour tout litige l’opposant à l’institution qui l’emploie, selon les prescriptions claires de l’article 4 de la Convention régissant la CJ.CEMAC. Il convient derechef de citer, pour des raisons de présentation, ledit article 4 en son dernier alinéa: « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions. (…). Elle est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la C.E.M.A.C. et les Agents des Institutions de la Communauté, à l’exception de ceux régis par des contrats de droit local »8. D’entrée de jeu, on peut constater la généralité de l’usage, dans l’article précité, du terme « institution ». Une telle lecture est d’autant plus indiquée que le législateur a dans un premier temps fusionné la CEMAC et les institutions qui emploient les fonctionnaires ici évoqués. Cette fusion s’avère réaliste : dans la procédure contentieuse, la Commission, qui représente la CEMAC9 devant la Cour, se substitue aux institutions et organes communautaires devant la CJ.CEMAC. Il existe en effet une logique de définition institutionnelle acquise depuis le Traité de N’djamena, certes critiquée10, qui permet de distinguer, au sens de son article 2 : les Institutions proprement, des organes et des institutions communautaires spécialisées. Les institutions proprement dites, au nombre de cinq, renvoient aux deux Unions, base de la construction du processus d’intégration, l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC)11, l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC)12 et aux deux organes de contrôle : le Parlement communautaire13, la Cour de justice communautaire14. L’éclatement de celle-ci en deux Cours distinctes, la Cour de justice communautaire et la Cour des Comptes communautaires a quelque peu modifié la configuration institutionnelle de la CEMAC du Traité de 200815. Cadre de conception des politiques communautaires, ces institutions proprement dite ne disposent pas de compétences normatives directe, exceptée par voie de décisions, catégorie d’acte communautaire propice aux prescriptions individuelles dont aucune institution ne peut faire l’économie, au moins du fait de la nécessaire gestion de leurs ressources humaines. Les Organes, eux, disposent d’un véritable pouvoir normatif dans la CEMAC, comme cadre d’élaboration des politiques communautaires. Ils étaient au nombre de 8 selon le traité révisé. Ils sont désormais 7 selon l’article 10 du Traité de N’djamena. La Conférence des Chefs d’Etat16 adopte le Traité, les Conventions et les Actes additionnels au Traité. Le Conseil des Ministres de l’Union Economique de l’Afrique Centrale17 et le Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale18, sont habilités à prendre les règlements, les règlements-cadre, les directives. La Commission de la CEMAC19, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (B.E.A.C.)20, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC)21, l’Institution de Financement du Développement22 adoptent, les règlements d’application. Dans le traité révisé, cet institut a été soustrait de la liste des Organes communautaires, remplacée par la BDEAC23. Seul le Comité inter-Etats, antichambre du Conseil des ministres de l’UEAC, ne disposait d’aucune compétence normative propre. Il ne fait d’ailleurs plus partie de la liste des organes, depuis le Traité de Yaoundé. Aussi, les organes sus identifiés partagent cette compétence normative avec les « premiers responsables » des institutions (ou organismes) spécialisées, aussi diversifiés que le champ de cette intégration est vaste24. Les institutions spécialisées, cadre par excellence d’exécution des politiques communautaires, sont par conséquent pléthoriques. Elles sont rattachées soit à l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), soit à l’Union monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC). Dans la première Union, la création de nouvelles institutions communautaires spécialisées a rendu obsolète la liste établie par l’Acte Additionnel n° 08/CEMAC-006-CCE-2 du 14 décembre 2000 portant liste des Institutions spécialisées de l’UEAC. En guise d’exemple, la Communauté économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (CEBEVIRHA)25, Ecole Inter Etats uploads/S4/ commentaire-du-premier-arret-prejudiciel-de-la-cjcemac-suite.pdf

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  • Publié le Oct 22, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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