COMBATS ET SOUFFRANCES D'UN VILLAGE CORSE Frasseto 1770-1850 René FRANCESCHI 2è

COMBATS ET SOUFFRANCES D'UN VILLAGE CORSE Frasseto 1770-1850 René FRANCESCHI 2ème édition Creative Commons - CC-by-nc-nd COMBATS ET SOUFFRANCES D'UN VILLAGE CORSE Frasseto 1770-1850 René FRANCESCHI 2ème édition Creative Commons CC-by-nc-nd Cet ouvrage est édité sous licence Creative Commons by-nc-nd (Attribution - non commercial - no derivative works) L'édition papier classique est également disponible: Édition papier TheBookEdition 4 PRÉFACE Ce livre raconte l’histoire d’une communauté villageoise dans la première moitié du XIXème siècle. Frasseto, 4.500 hectares à dix lieues d’Ajaccio, des châtaigniers, de l’orge, quelques moulins à eau, un peu de bétail et six cents habitants coupés du monde par une rivière sans pont. Une histoire immobile jusqu’au jour où le partage des récoltes extraites de la terre du commun, crée des mouvements d’humeur, l'État et la commune revendiquant la propriété du sol sur lequel les habitants prétendent aussi avoir des droits. Essai de conciliation de la part du préfet qui suggère que soient déclarés privatifs, les terrains clos à mur ou plantés en vigne depuis au moins trente ans. Proposition sans lendemain et ouverture d’un procès où s’affrontent des particuliers, la commune et l'État. La justice est lente et incertaine. Le tribunal d’Ajaccio en 1827, la Cour de Bastia en 1830 puis, après cassation, la Cour d’Aix en 1844 vont dire tour à tour le droit à leur manière, pour finalement arrêter que « les terres défrichées et cultivées » au début de l’instance sont d’appropriation privée. On touche au but et tout n’est plus qu’une affaire d’experts, quand l'État s’avise, en 1852, d’ériger en commune les terres du littoral pour créer le pénitencier de Chiavari, ajoutant aux vieilles querelles, une indivision qui pèse encore aujourd’hui entre Frasseto et Coti. Un village compliqué, dira-t-on, c’est pire. 5 En 1831, une jeune fille du lieu, Marie Françoise FRANCESCHI, est enlevée par Joseph ANTONA, dit Fiacconu. C’est le point de départ d’une inimitié qui va dresser deux familles l’une contre l’autre et, en l’espace de quinze ans, faire vingt morts dans une communauté où l’on dénombre un peu plus d’une centaine d’adultes de sexe masculin. Un chiffre exorbitant, même dans la Corse de ce temps où il se commet annuellement entre cent trente et cent quarante homicides ou tentatives d’homicide, avec des pointes allant jusqu’à deux cents. Le malheur est si grand, la misère si profonde, le désarroi des populations si intense que le curé de la paroisse inscrira, en 1846, sur le registre des baptêmes, ces mots de désespoir : Quel che nascerà in Frasseto / non sarà d’animo quieto / Langue il giustu, langue il pio / Fra il barbaro ed il rio », et que le préfet et le procureur du Roi viendront eux-mêmes sur place, l’année suivante pour apporter leur caution au traité de paix signé entre les parties, par devant notaire. René FRANCESCHI nous conte cette histoire comme s’il l’avait vécue. Rien ne lui échappe, ni les lieux, ni les hommes. Le ton est objectif, l’érudition savante. Dans la production contemporaine où s’affichent tant de poncifs, son livre apparaît comme un document de première main tout imprégné du parfum des archives et du souffle de la tradition orale soigneusement recueillie. En remontant avec lui le temps, en observant les gens qu’il met en scène, en les regardant vivre et mourir, on retrouve la Corse de MÉRIMÉE, exigeante et farouche, mêlée de sang et de larmes, d’incertitudes aussi. Un livre à lire et à méditer. Xavier VERSINI 6 Description du canton d'Ornano par Monseigneur Paul Mathieu de la FOATA, Evêque d'Ajaccio de 1877 à 1899. Le village de Frasseto Extrait du livre : Poesie Giocose in lingua vernacola della pieva d'Ornano Eccu à Frassetu, lu rè di la muntagna ! Voici Frasseto, le roi de la montagne ! La tramuntana, óh! com'edha lu tagna ! Tout pelé par la tramontane ! Chì funtana à Centuliri ! Quelle fontaine à Centuliri ! Chì savóri a so castagna ! Quelle saveur sa châtaigne ! Versu a fini di primavera, Vers la fin du printemps, Quantu mondu pà la fiera ! Quelle affluence à sa foire ! Hè capi duru : lu chjamani muntonu. Il a la tête dure, on l'appelle le mouton. Ma 'ntisgi 'ntisgi cun tuttu lu cantonu ! Mais en dispute avec tout le canton ! S'hè allargatu in piaggia è monti, Il s'est étendu à la plage et en montagne, Ed hà buscu lu stradonu; Et il a obtenu sa route; Ghjà divisu po da Cóti, Déjà séparé de Coti, Oghji hà persu mólti vóti. Que d'électeurs il a perdu. 7 Oh, quanti vólti, battendu si à i capati, Oh, que de fois, se battant comme des béliers, Li Frassitani si sò dichjicculati ! Ses habitants se sont décapités ! Quanti sangui chì v'hè corsu ! Que de sang a été versé ! À la fini sò appaciati, Ils finirent par faire la paix, È la paci chì v'hè nata Et la paix qui en est née Ùn hè paci tafunata. Est une paix trouée. Paul Mathieu de la FOATA est né à Azilone, Corse-du-Sud, le 14 août 1817. 8 Avant-propos Ce livre a pour objet de contribuer à la connaissance d'événements qui se sont produits dans le village de Frasseto en Corse-du-Sud et dans les villages voisins depuis le rattachement de la Corse à la France jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle. Frasseto est un village situé à environ quarante kilomètres à l'est d'Ajaccio dans le canton de Santa Maria Siché (ce canton était anciennement dénommé piève d'Ornano). Les faits qui sont relatés résultent de la tradition orale et de recherches effectuées dans les services des Archives Nationales, des Archives Départementales de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse et du Service Historique de l'Armée de Terre, ainsi que des éléments contenus dans le livre «Vieilles affaires et procès oubliés» au chapitre «Le stylet et la plume» de Xavier VERSINI que je remercie ici pour ses encouragements. Je voudrais remercier Maître Marc MARIANI, maire de Frasseto, qui, m'ayant offert le livre de Jean GUERRINI-GRAZIANI sur le banditisme en Corse dans lequel figurait le meurtre de mon arrière-grand-mère poignardée par un bandit, m'a poussé à entreprendre des recherches généalogiques qui m'ont fait découvrir l'existence d'un trisaïeul ex-moine, un arrière-grand-père paternel assassiné lors de l'inimitié de Frasseto et une parenté du coté maternel avec les meurtriers. Merci aussi à François PIANELLI pour ses traductions et à Laurent LEANDRI pour ses conseils. René FRANCESCHI Paris, le 5 janvier 2001 9 10 La communauté de Frasseto Frasseto aujourd’hui Ici commence le parc naturel régional de Corse. En venant d'Ajaccio, c'est l'inscription que vous pouvez lire sur le panneau disposé à quelques centaines de mètres du village ; là vous pouvez vous arrêter pour voir ce vieux village qui n'a pas trop perdu son caractère et examiner les quartiers de A Cuddetta et de U Piazzili composés de groupes de maisons généralement étroites et à deux niveaux, blotties les unes contre les autres comme dans un réflexe de défense. Cela mérite une photo et des touristes marquent justement l'arrêt à cet endroit, et retournent à leur voiture pour se munir de leur appareil photographique ou de leur caméscope. On a vu des peintres s'y installer avec leur chevalet pour fixer le paysage. La dépression dans laquelle coule la rivière, dont vous entendez l'hiver le rugissement, vous sépare du quartier de A Cuddetta. Si votre arrivée est attendue vous ne pouvez pas échapper aux regards de ceux qui la guettent. Vous noterez que les toitures des vieilles maisons ont généralement été rénovées et vous apercevrez aussi d'autres quartiers où des habitations récentes se distinguent par leur crépi. Ces constructions nouvelles et l'entretien des anciennes témoignent de l'attachement au village de ceux qui s'en sont éloigné ou de ceux qui n'envisagent pas de vivre ailleurs. Vous constaterez aussi que le village est mal exposé : l'hiver le soleil s'y lève tard et s'y couche tôt ; mais quelle fraîcheur l'été ! Pourtant ce village, qui paraît si paisible, a connu des événements tragiques il y a un peu plus d'un siècle et demi. En reprenant votre route, l’agglomération ne commence vraiment qu'après le pont avec le quartier des villas de A Vaddi ; elle compte au total une centaine de maisons prêtes à accueillir les familles pour leur séjour estival. Si ce n'est pas la période des 11 vacances vous rencontrerez peu d'habitants : l'hiver, ils sont moins d’une centaine et on n'y voit fumer qu'une douzaine de cheminées. Bien sûr la moyenne d'âge est élevée, quoiqu'on y compte plusieurs enfants, et les retraités qui viennent s'y retirer assurent la stabilité de l'effectif. Les deux classes de l'école publique sont fermées depuis longtemps. Par contre il reste quelques éleveurs de porcs qui continuent à produire la délicieuse charcuterie traditionnelle ; il y a aussi la préposée que vous apercevrez peut-être pendant sa brève tournée. Et le village s'anime un peu lorsque passe le boulanger, le boucher ou le marchand de légumes, car il n'y a plus aucun commerce si l'on excepte les cafés. Ces uploads/S4/ combats-et-souffrances-d-x27-un-village-corse.pdf

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  • Publié le Jui 04, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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