Mandats du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine

Mandats du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine; du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; de la Rapporteuse spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Réf. : AL FRA 10/2021 (Veuillez utiliser cette référence pour répondre) 15 novembre 2021 Excellence, Nous avons l’honneur de nous adresser à vous en nos qualités de Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine; Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; Rapporteuse spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux résolutions 45/24, 44/5, 43/36 et 43/20 du Conseil des droits de l’homme. Dans ce contexte, nous souhaiterions attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur des informations que nous avons reçues concernant l’instruction de l’affaire Adama Traoré. Le décès d’Adama Traoré à la suite d’une interpellation aux mains des gendarmes de Beaumont sur Oise a fait l’objet d’une communication conjointe envoyée par le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine ; le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées; la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; la Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités; le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée; et le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 17 février 2017 (FRA 1/2017). Nous remercions le gouvernement de votre Excellence pour la réponse envoyée le 18 avril 2017. Nous prenons note qu’au moment de votre réponse, les informations judiciaires étaient en cours et couvertes par le secret de l’instruction. Nous prenons également note des mesures prises visant à renforcer le cadre légal relatif à l’usage excessif de la force par la police et d’octroi des réparations, notamment le code de déontologie commun à la police et la gendarmerie nationales applicable depuis le 1 janvier 2014, et codifié aux arts. R. 432-2 à R. 434.33 du code de la sécurité intérieure ; l’article 803 du code de procédure pénal relatif au port des menottes ; la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Cinquième République qui élargit les prérogatives du Défenseur des droits en matière de manquement à la déontologie de la part de fonctionnaires de police ou de militaires de la gendarmerie ; ainsi que les articles 2 ; 371 et suivants ; 464 du code de procédure pénale relatif à l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention. Nous prenons également note des mesures de formation et de sensibilisation à la lutte contre toutes les formes de discrimination pour les militaires de la gendarmerie, les fonctionnaires de police et les nouveaux agents de la fonction publique. Selon les nouvelles informations reçues : Les investigations sont toujours en cours plus de cinq années après le décès d’Adama Traoré dans le cadre d’une information judiciaire confiée à trois PALAIS DES NATIONS • 1211 GENEVA 10, SWITZERLAND 2 juges d’instruction. Les trois gendarmes mis en cause n’ont pas été inculpés et continuent d’être placés sous le statut de témoin assisté. Depuis 2016, six expertises médicales de synthèse visant à établir les causes du syndrome asphyxique ayant conduit à la mort d’Adama Traoré ont été réalisées à la demande des juges d’instruction. Entre 2019 et 2020, plusieurs autres actes ont été ordonnés, dont certains ont été confiés à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Le Défenseur des droits a également initié en 2016 une instruction relative aux circonstances dans lesquelles est décédé Adama Traoré conformément à ses prérogatives de contrôle du respect de la déontologie des professionnels de la sécurité.1 Nous sommes préoccupés par l’absence de prise en considération d’un possible mobile raciste dans la mort de M. Traoré. La mise en œuvre effective du principe de non-discrimination dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale nécessite de considérer le rôle que le motif racial a pu jouer dans l’affaire lorsqu’il existe un faisceau d’indices suffisant. Selon un rapport du Défenseur des droits, les personnes jeunes, résidant dans une cité ou un grand ensemble, et se déclarant être perçues comme arabes ou noires sont beaucoup plus fréquemment soumises à des contrôles d’identité de la part des forces de police qui les ciblent de manière beaucoup plus fréquentes.2 Selon des informations soumises par ACAT, les individus issus des minorités visibles, dont les personnes d’ascendance africaines, sont également surreprésentés parmi les victimes des violations des droits de l’homme commises par les forces de l’ordre, police et gendarmerie nationale, notamment les violations ayant conduit à la mort.3 A la lumière de ces éléments, le fait qu’Adama Traoré était un homme d’ascendance africaine, jeune et résidant dans une cité, constitue un faisceau d’indices suffisant pour justifier la prise en considération du motif raciste afin de comprendre les raisons et circonstances ayant conduit à l’interpellation ainsi que les méthode d’interpellation utilisées. Nous sommes également préoccupés par la lenteur de l’instruction, l’absence de mise en examen et le possible manque de garantie d’indépendance, d’impartialité et de transparence de la procédure en cours. Nous sommes particulièrement préoccupés par les délais importants dans la réalisation d’actes demandés par la famille, notamment l’audition de témoins-clefs, la reconstitution de l’interpellation et l’étude des antécédents judiciaires d’Adama Traoré et des gendarmes, qui ont été ordonnées plus de quatre années après le début de l’instruction et n’ont toujours pas été réalisés. Nous sommes également préoccupés par le fait que l’IGGN, à qui plusieurs actes ont été confiés dans le cadre de l’instruction, est un organe de contrôle interne agissant sous l’autorité du directeur général de la Gendarmerie qui ne remplit pas les critères d’indépendance nécessaire à la réalisation d’une enquête efficace. Nous sommes également préoccupés du fait que l’appréciation des faits par les juges d’instruction pourrait manquer au critère d’impartialité, ces derniers s’étant montrés plus prompts à décider la clôture de l’instruction qu’une mise en examen. En effet, selon les informations reçues, les juges avaient considéré que l’expertise médicale de synthèse de septembre 2018 qui excluaient la responsabilité des gendarmes, était un élément suffisant pour décider de la clôture du dossier dès décembre 2018, et cela sans que les autres actes demandés par la famille n’aient été réalisés. En revanche, l’expertise médicale des professeurs de médecine belges de février 2021, qui met en cause la responsabilité des gendarmes, n’a pas jusqu’à 1 Communiqué de presse du Défenseur des droits (21 juillet 2016) 2 Défenseur des droits. 2020. Discriminations et origines : l'urgence d'agir, p. 27 3 ACAT’s submission to the High Commissioner for Human Rights (2020) 3 présent été considérée comme un élément suffisant pour prononcer une mise en examen. Nous sommes également préoccupés par la décision de remplacer les juges ayant ordonné les investigations demandées par la famille par de nouveaux juges. Nous sommes également préoccupés par le possible manque de transparence dans la procédure du fait que, selon les informations reçues, certains éléments n’ont pas été partagés avec l’avocat de la famille de la victime. Nous sommes particulièrement préoccupés du fait que ces possibles manquements à la réalisation d’une enquête efficace ne sont pas un cas isolé, mais reflètent des pratiques récurrentes dans l’instruction d’affaires similaires concernant des individus d’ascendance africaine ou africains. Selon les informations reçues, la France a été condamnée à cinq reprises depuis 2017 par la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des mauvais traitements) de la Convention européenne des droits de l’homme dans des affaires ayant trait au recours à la violence par la police ou la gendarmerie lors d’une interpellation, dont quatre concernaient des individus d’ascendance africaine ou africains.4 Les cinq affaires examinées par la CEDH avaient toutes fait l’objet de procédures très longues, entre 5 et 10 ans, alors que, selon le bulletin statistique du ministère de la justice française, la durée moyenne des procédures pénales ayant fait l’objet d’une instruction et ayant abouti à un jugement était de 3,5 ans en 2018.5 Les cinq affaires s’étaient terminées sur un non-lieu et aucune mesure n’avait été prise à l’encontre des agents impliqués. Dans plusieurs de ces cas, les juges avaient refusé les demandes d’auditions de témoins supplémentaires et les demandes de reconstitutions. En outre, les conclusions du Défenseur des droits et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité n’avaient pas été prises en compte. Selon le rapport d’activité du Défenseur des droits de 2019, aucune des 36 demandes d’engagement de poursuites disciplinaires contre des personnelles de la sécurité adressées par le Défenseur des droits entre 2014 et 2019 n’a été suivie d’effet.6 Sans vouloir préjugés des conclusions de l’enquête, uploads/S4/ affaire-adama-traore-lettre-envoyee-au-gouvernement-francais-du-haut-commissariat-des-nations-unies-aux-droits-de-l-x27-homme.pdf

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  • Publié le Dec 20, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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