La Mennais Études DOUCEUR ET FERMETE Un alliage nommé Pardon Frère Yvon Deniaud

La Mennais Études DOUCEUR ET FERMETE Un alliage nommé Pardon Frère Yvon Deniaud Février 2014 N° 3 2 Frères de l'Instruction Chrétienne de Ploërmel Via della Divina Provvidenza, 44 - Italie 3 Introduction La douceur est le meilleur moyen d'obtenir de vos enfants ce que vous désirez d'eux : si vous les grondez et les punissez trop, ils s'irriteront contre vous, et leur caractère s'aigrira.1 Ce passage d’une lettre de Jean-Marie de La Mennais datée de 1835 et adressée au Frère Lucien Deniau est bien connu. Obtenir de vos enfants ce que vous désirez d’eux : voilà pour la fermeté. Le meilleur moyen : voilà pour la douceur. Nous apprenons donc dans cette lettre que le rapport entre fermeté et douceur n’est pas dialectique : la fermeté n’est pas inversement proportionnelle à la douceur, mais, au contraire, les deux vont de pair. Nous apprenons aussi que la douceur s’oppose à la violence (gronder, punir excessivement) mais pas à la fermeté. Par ailleurs, fermeté et douceur demandent suffisamment d’habileté pour éviter la rébellion ouverte ou la résistance muette, et obtenir ainsi l’adhésion au but recherché. Fermeté et douceur devraient donc marcher la main dans la main, rivaliser de force et d’intelligence. Il faudrait donc être doux dans la fermeté et ferme dans la douceur. Belle formule, mais comment la mettre en œuvre concrètement ? Le fait d’allier douceur et fermeté relève-t-il seulement de l’art ? Est-ce le fait d’un simple pragmatisme qui consisterait à alterner constamment fermeté et douceur comme le fait souvent l’éducateur qui cherche à séduire ou à faire plier celui qu’il est chargé d’éduquer ? Jean-Marie donne-t-il seulement un conseil de circonstance pour ramener son Frère à plus de 1 CRP III,165. 4 circonspection dans ses réactions envers ses élèves ? Il serait surprenant qu’un principe aussi permanent chez lui, comme nous allons le voir, ne soit énoncé que par opportunisme. Nous ne serons pas étonnés de voir qu’il se situe dans le droit fil d’une longue tradition, à la fois de sagesse humaine et de révélation divine, puisqu’il se trouve au cœur même de la nouvelle alliance. Une stratégie pédagogique d’actualité Les hebdomadaires publient régulièrement des enquêtes sur l’expérience vécue par des personnes au contact de jeunes délinquants. Une enquête effectuée auprès d’Hélène Franco, juge des enfants au tribunal de Bobigny, comme ses douze confrères spécialisés, en constitue un exemple parmi d’autres. C’est ainsi qu’Hélène Franco partage son travail entre le volet pénal et le volet éducatif. Alternant fermeté et douceur, la magistrate confie : "Ils portent de terribles souffrances". Rien de laxiste pour autant dans ses décisions, mais l'application de la loi : "Je prends en compte les faits, leur gravité et leur complexité, les antécédents et la personnalité du mineur." Elle insiste : "Pour être intelligente, la justice des mineurs a besoin de temps !" William, 17 ans, comparaît pour ‘détention illégale de stupéfiants’. Le jeune homme entre dans le bureau, tête baissée, avec son père et une avocate. William a été interpellé fumant un joint, avec trois barrettes de shit en poche. "Consommation personnelle", a-t-il assuré. William comparaît devant le juge parce qu'il n'a pas répondu à la convocation du délégué du procureur. "Vous auriez pu éviter ces poursuites en y allant ! Où en êtes-vous ?" interroge la magistrate, qui le connaît pour deux antécédents dont le dernier, un vol en réunion, remonte à un an et demi. 5 William travaille depuis un an. Sa mère n'est pas venue : "Elle en a marre de moi", souffle-t-il. Il fume cinq joints par jour, nie toute dépendance. "J'ai vu un médecin, j'ai arrêté de boire déjà..." La juge rétorque : "Vous allez finir par perdre votre emploi. Ces produits laissent des marques indélébiles sur le cerveau !" Pas à pas, elle le conduit à accepter l'idée d'une consultation médicale. Elle ajourne sa décision : William devra revenir d'ici à trois mois avec ses fiches de paye et la preuve qu'il a vu un médecin. Cet ajournement de la décision n’est-il pas la meilleure manière de concilier fermeté et douceur ? William continue d’être sous pression : il doit consulter un médecin et continuer de maintenir une certaine condition physique lui permettant de travailler. D’autre part la juge fait preuve d’un respect remarquable : elle le vouvoie, le renvoie à sa conscience, fait appel à sa responsabilité. Elle fait confiance au temps. Où douceur et fermeté sont-elles plus étroitement réunies que dans le temps ? Quoi de plus doux que ce défilé des jours qui finit par devenir insensible ? Quoi de plus ferme aussi que ce processus lent qui débouche toujours sur un résultat, qu’il soit positif ou négatif ? Voici Yasser, 17 ans et demi, poursuivi pour ‘détention et usage de stupéfiants, recel, outrage à agent’. Ce matin-là, audience devant le tribunal pour enfants. Yasser, qui comparaît libre, arrive avec une heure de retard. Ce garçon mutique qui cumule infractions et mesures pénales semble être ailleurs. "Votre vie, c'est quoi ?" questionne la juge. "Rien, je suis chez moi, je sors, c'est tout." Le jeune homme, qui vit chez ses parents, a laissé tomber une formation au bout de quinze jours. "Je peux trouver, marmonne-t-il. Le problème, c'est de se lever tôt." Mise à l'épreuve, suivi en centre d'action éducatif, travaux d'intérêt général... rien n'y a fait. Yasser encourt cette fois une peine de prison. "La prison, ça représente quoi pour vous ?" demande la juge. "Ça arrive à tout le monde", répond-il. Après délibération, 6 Yasser est condamné à deux mois de prison avec sursis. "Cette peine va être inscrite sur votre casier judiciaire pendant cinq ans : à la moindre infraction, elle tombe !" prévient la juge. On retrouve le même souci que dans le cas précédent d’allier fermeté et douceur, le même recours au temps, le même soin pour ménager une ouverture qui permette au condamné de ne pas désespérer. Témoignage de Maryse Je voudrais vous parler de la rupture et de la réconciliation entre moi et une de mes filles. Une rupture sans dispute, sans cri, colère ni larmes. Ma fille est divorcée et m’a annoncé son intention de se marier. Elle s’éloigne de Dieu, elle se coupe de l’Eucharistie ! Elle me répond « c’est mon problème entre moi et Dieu » A partir de ce jour, c’est le silence : pas de coup de téléphone, pas de visite, pas de sortie ensemble. Dans les réunions familiales, ma fille est polie mais glaciale. Alors j’ai prié : Seigneur, envoie ton Esprit sur mon enfant qu’il l’éclaire et le fasse changer d’avis ». Mais Dieu ne me répond pas. ... Je suis allée voir Jean-Baptiste. Je lui ai exposé mon problème et il m’a dit « Téléphone-lui ». Dans un premier temps, j’ai dit « ce n’est pas à moi à téléphoner ! C’est à elle ! Au bout de quelques jours de réflexion et de prière, j’ai téléphoné. Ma fille est très heureuse de m’entendre et m’a proposé tout de suite de venir à la maison. Le lendemain, elle est venue et nous avons beaucoup parlé sans toucher à la religion : elle de son travail, moi de mes activités et le fil était renoué. Quatre mois après, le mariage a eu lieu. Les amis qui étaient réunis le soir pour fêter l’événement se sont entendus dire par le marié, en guise de bienvenue : « Les circonstances m’ont pas permis qu’un prêtre, un pasteur ou un rabbin soit avec nous » puis il a terminé par une prière laïque dans laquelle il fait référence à l’union d’Adam et d’Eve. Après quelques jours, ma fille m’a écrit ces mots : "Enorme merci maman, pour votre présence tant physique que par la pensée et la prière que j’ai 7 ressenties très fort et ainsi nous permettra de mener loin ce grand voyage que nous avons démarré tous les eux. Et à partir de ce jour-là, j’ai dit « Seigneur protège et guide mes enfants, pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux ». Une conciliation difficile entre des attitudes extrêmes Dans des conférences récentes, Christel Peticollin, éducatrice, se fait l’écho des questions que se posent tous les parents et à tous les âges de leur enfant : Pour une bonne communication avec son enfant, comment se positionner ? Que doit-on autoriser ? Que doit- on interdire et comment ? Quand doit-on sévir et avec quelles punitions ? Quelles compétences doit-on développer pour devenir des ‘bons’ parents ? Elle recommande de cesser de "psychologiser" et de retrouver un bon sens quelquefois élémentaire. Les parents doivent renoncer définitivement à être parfaits ! La culpabilité des parents est, pour elle, un véritable poison en matière d’éducation. Elle fausse tous les repères et leur fait perdre l’objectivité la plus élémentaire. L’éducation en devient décousue et illogique. Se redonner le droit à l’imperfection, aux erreurs éducatives, et retrouver du bon sens, lui paraît indispensable pour agir efficacement. Engager son enfant dans une féroce compétition scolaire, surcharger son emploi du temps d’activités annexes, uploads/S4/ 03lme-fr.pdf

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  • Publié le Apv 25, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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