1 E EX XP PR RE ES SS SI IO ON N O OR RA AL LE E E ET T C CR RE EA AT TI IV VI

1 E EX XP PR RE ES SS SI IO ON N O OR RA AL LE E E ET T C CR RE EA AT TI IV VI IT TE E E EN N L LA AN NG GU UE E E ET TR RA AN NG GE ER RE E Alfred Knapp "La production, surtout orale," écrit J.Courtillon (COURTILLON 2003, 63) "est le point faible de l'enseignement d'une langue vivante". En effet, l'observation des pratiques courantes dans les classes de langues étrangères montre que l'expression orale des apprenants pose quelques problèmes.1 Il y a d'abord le temps de parole donné aux apprenants, toujours très réduit en comparaison avec celui réservé à l'enseignant. Pour ce qui est de la qualité des échanges, on observe un fort déséquilibre quant au droit à l'initiative pour la prise de parole. En communication naturelle, non-pathologique, les interlocuteurs se trouvent en règle générale dans un rapport symétrique : poser des questions, lancer ou relancer la conversation, changer de sujet, se taire, demander à autrui de se taire…chacun utilise ses moyens pour réaliser ces actes communicatifs sans être systématiquement cantonné dans un seul type d'énoncé. Dans des rapports pathologiques, cet équilibre peut être sérieusement affecté : la personne A s'arroge le droit de donner des ordres, de réprimander, de poser des questions etc. tandis que la personne B se trouve cantonnée dans une position qui ne lui laisse que le « droit » de réagir. C'est également un trait caractéristique de la communication dans des systèmes fortement hiérarchisés – armée, système pénitentiaire, une partie importante de la communication en entreprise. La communication orale dans le contexte de l'enseignement institutionnel a une forte ressemblance avec la communication pathologique. Une seule personne pose des questions, lance les sujets, dévie la conversation, donne l'ordre de se taire etc. De surcroît, de nombreuses questions posées par l'enseignant sont de fausses questions, puisque celui qui interroge ses interlocuteurs connaît la réponse à l'avance. Signe extérieur de cette communication pervertie : la forte fréquence de commentaires de type "très bien", "tout à fait", "c'est juste" comme réaction à une réponse de la part d'un apprenant qui, elle, a très souvent une courbe intonative montante, contrairement à ce qui se passerait en communication "normale" Je pense que la plupart des enseignants et apprenants sont à peu près d'accord sur les objectifs généraux à atteindre en ce qui concerne la capacité à s'exprimer oralement dans une langue étrangère. Partons pour l'instant d'une description informelle : S'exprimer aussi spontanément que possible, le plus correctement possible, avec un lexique riche, approprié à la situation (en fonction des interlocuteurs, du sujet, du cadre de communication…), d'une manière fluide… Dans le cas d'une prestation verbale devant un public (exposé, conférence, intervention dans un débat…), être capable de parler le plus librement possible, savoir s'appuyer sur ses propres notes quand c'est nécessaire, savoir réagir à des questions sans (trop) paniquer etc. A ce niveau de généralité se poseront peu de problèmes. Les difficultés commencent quand on essaie de pondérer le degré de "spontanéité" d'une part et la correction linguistique d'autre part. Le locuteur natif a un accès rapide et quasi automatique à un nombre impressionnant de mots (entre 50 000 et 100 000 mots), de formes grammaticales, de locutions figées, de métaphores. L'articulation des phonèmes, des mots et groupes rythmiques ne lui pose pratiquement aucun problème (mis à part les lapsus, les troubles d'attention, d'alcoolémie etc.). Le seul niveau où peut apparaître un certain degré d'incertitude est celui du contenu : est-ce que la personne X a quelque chose à dire, à raconter à tel moment, à propos de tel ou tel sujet? Est-ce que la personne Y "trouve ses mots" devant telle ou telle personne Z, dans telle situation (où Z peut être intimidant, la situation peut être contraignante etc.). La spontanéité des interlocuteurs (dans les limites du caractère de chacun) et l'expression de leur pensée, de leurs croyances etc. ne souffrent d'aucune entrave due à "la recherche des mots, des formes etc." 2 En L2, l'expression spontanée et l'expression correcte ne vont pas forcément toujours ensemble, en particulier à un niveau peu ou moyennement avancé. Si l'apprenant mobilise une grande partie de ses ressources cognitives pour "s'exprimer correctement", il doit réduire "ses dépenses" dans d'autres domaines : le contenu, la fluidité, la spontanéité. S'il favorise par contre l'expression de sa pensée, il va en premier lieu essayer de trouver les mots, de les mettre rapidement "en forme" pour les « expédier » à son(sa) partenaire de communication. Un certain "laisser-aller" sur le plan de la grammaire (morphologie, ordre de mots, lexique, phonétique…) en est la conséquence naturelle. I. Expression spontanée - expression centrée sur la forme : deux moments distincts Comment pouvons-nous réconcilier ces deux impératifs partiellement contradictoires dans le cadre de l'enseignement-apprentissage? La solution que je proposerai ici est de séparer les deux aspects et de créer des activités clairement distinctes. Il y aura des moments où les apprenants seront invités à se placer dans des situations qui se rapprochent le plus possible d'une interaction naturelle et spontanée. L'objectif principal de ces activités est d'improviser avec les moyens linguistiques acquis à tel ou tel stade d'acquisition. Il y aura d'autres moments où les apprenants sont invités à travailler tel ou tel aspect spécifique : l'intonation, la phonétique, la syntaxe, la morphologie etc. Nous aurons donc deux activités d'expression orale : "l'expression orale libre" d'un part et "l'expression orale centrée sur la forme" d'autre part. Cette manière de procéder me semble bénéfique à plusieurs égards : - Le fait de pouvoir exprimer ses idées, de communiquer tant bien que mal (avec les erreurs, sans être corrigé systématiquement) représente une importante source de motivation. Si les apprenants font l'expérience qu'ils arrivent à "faire quelque chose", d'agir en tant que personne réelle en langue étrangère (exprimer des idées, contredire, demander, persuader….) même avec des moyens (très) réduits, ils perdront probablement plus vite ce sentiment "d'impuissance" et d'infantilisation qui caractérise souvent les moments où on essaie de s'exprimer laborieusement en L2. - C'est au cours de l'expression spontanée que l'apprenant se heurte à ses limites proprement linguistiques et peut - de lui-même - ressentir le besoin d'aller plus loin. Une trop grande concentration du travail pédagogique sur la correction peut sérieusement affecter cette source d'énergie pour l'apprentissage. - L'expression spontanée représente d'une certaine manière "un moment de vérité" : c'est dans les imperfections systématiques observables pendant cette activité que se manifeste (indirectement) le niveau de compétence linguistique. L'oreille attentive (et "psycholinguistiquement" formée) de l'enseignant peut relever tel ou tel aspect qui sera soumis - à un autre moment - à un travail de "conscientisation" - écoute analytique, tests d'intuition, autocorrection. - En séparant le travail de la correction de celui de l'expression spontanée, on libère des ressources cognitives (la capacité de constater des analogies, des différences, des régularités, de formuler des généralisations…) pour les réinvestir dans une activité où elles sont pertinentes et efficaces : le jugement de grammaticalité, la comparaison de paires minimales par exemple nécessitent du recul et du calme, deux choses qui sont difficiles à garantir si on doit en même temps écouter et comprendre ce que dit notre interlocuteur, préparer ses réponses etc. La "gymnastique mentale" (mémorisation, "shadowing",…) exige la concentration sur une petite portion de langage, elle exclut également qu'on soit engagé en même temps dans une conversation avec tous ses imprévus. III. Créativité linguistique : combinatoire "créative" et usage créatif du langage Est-ce qu'il faut amener les apprenants à devenir créatifs? Peut-on enseigner ou créer la créativité chez les apprenants? Qu'est-ce que la créativité : faut-il réserver ce titre de noblesse aux seules productions de "haute culture" consacrées par la publication et la célébrité? La communication quotidienne est-elle créative? Peut-on 3 parler de créativité et de liberté quand on s'exprime dans un certain cadre, en suivant des contraintes définies par la faculté de langage? Est-ce que seule la créativité qui "change les règles" mérite ce nom? Les réponses à ces questions dépendent en partie de la conception qu'on se fait de certains aspects centraux de ce que nous considérons comme "humain" : la pensée, le langage, la créativité (musicale, artistique…). Si on pense que l'homme "doit être amené à devenir humain" par l'imprégnation, l'imitation, le dressage ou l'éducation, il faut en conclure que l'homme n'est pas tout à fait humain au début, qu'il lui manque des attributs essentiels pour être humain. Par conséquent, pour acquérir ces attributs (la créativité, le langage, l'autonomie…), tout ou presque dépend du monde extérieur. 2 C'est ce dernier qui "crée" ce qui manque à l'origine au nouveau-né. Dans cette approche, l'ingénierie pédagogique a un rôle primordial à jouer, elle est la créatrice des facultés linguistiques, artistiques qui émergent petit à petit du chaos initial. Dans cette approche, la créativité peut et doit être "enseignée", l'apprenant doit être amené pas à pas vers l'autonomie. Je pense que cette conception est erronée. La pensée, le langage, la créativité etc. sont des facultés mentales présentes dès le départ, comme le sont uploads/s3/ zif-2773-knapp-pdf.pdf

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