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LE SURRÉALISME ET L’EXTRAORDINAIRE _L ’extraordinaire fut pour le surréalisme à la fois un thème, un but et une manière de concevoir l’art et la vie. _Le surréalisme est un mouvement artistique total lié à la vie quotidienne. Projet vouant une place maîtresse à l’inconscient, essentiellement littéraire à l’origine, il est rapidement adapté aux arts visuels que sont la peinture, la sculpture, la photographie et le cinéma. Le surréalisme est un collectif, ainsi un certain nombre d’écrits et d’oeuvres sont réalisés à plusieurs. On pense alors au recueil de poèmes et dessins Les Mains Libres publié en 1937 et réalisé à 4 mains. Le recueil renverse les relations traditionnelles entre texte et image, en mentionnant dès la première page de l'œuvre : « dessins de Man Ray illustrés par les poèmes de Paul Éluard ». Engageant deux langages de manière indépendante et mêlée, Les Mains libres échappent à la volonté d'emprisonner la réalité entre la représentation picturale et une quelconque « traduction » poétique. Le rapport au monde proposé par les deux artistes, rapport qu'on ne pourra détacher de l'aventure surréaliste, joint l'imagination au réel. Le mouvement surréaliste se veut en rupture avec les valeurs de l’époque, notamment suite à la première guerre mondiale compte tenu des conséquences désastreuses d’un point de vue humain. Cette rupture concerne autant l’art que la politique, c’est un mode de vie comme le suggère la définition rédigée sur un tract de l’époque : « Le surréalisme n’est pas un moyen d’expression nouveau ou plus facile, ni même une métaphysique de la poésie. Il est un moyen de libération totale de l’esprit et de tout ce qui lui ressemble ». C’est pourquoi, selon André Breton, le surréalisme repose « sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations ». Tout comme leurs prédécesseurs les dadaïstes, qui à l’inverse des surréalistes voulaient supprimer le désir pour toute forme de beauté, pour tout raffinement intellectuel et pour toute forme de goût, les surréalistes apparaissent comme des artistes vivant d’une manière provocante et voulant à tout prix étonner par le recours à l’insolite ou par le biais de la dépravation de l’esprit. Cependant, ils ont pour objectif de libérer l’homme des contraintes d’une civilisation trop utilitaire. C’est pourquoi il fallait, selon eux, secouer et perturber les individus afin de leur révéler leurs richesses intérieures. Dali disait « Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi ». Qu’il soit négatif ou positif, les oeuvres surréalistes provoquent toujours un sentiment chez le lecteur ou le spectateur car elles mobilisent ses sensations profondes en lui donnant à voir une réalité liée à l’inconscient. " sur " 1 10 _Il s’agit donc de découvrir pourquoi et comment le surréalisme transcrit et crée de l’imaginaire, du « merveilleux », de l’extraordinaire en faisant appel à l’inconscient pour accéder à une autre dimension du réel. Théorisé par André Breton en 1924, dans le Manifeste du Surréalisme comme un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée » et ceci « en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation morale ou esthétique ». Le surréalisme oppose donc à l’ordre et aux conventions un esprit de libération et développe la puissance créatrice issue du rêve, du désir, de l’inconscient et des rencontres fortuites dans la création. En cherchant à soustraire l’homme au rationalisme de la culture bourgeoise et occidentale ils tentent de passionner la vie. Par conséquent, le surréalisme est contre un certain nombre de choses : contre toutes les formes d’oppression du corps et de l’esprit, contre l’écrasement social, contre la platitude du réalisme qui confond le réel avec la pauvre perception qu’il en a, contre la logique « la plus haïssable des prisons » et contre la littérature si elle se borne à exprimer ce qui est déjà là. Le surréalisme apparaît comme un mouvement initiatique et mystique. Leur rupture avec le monde leur fait éprouver l’angoisse qui les a poussés à s’interroger sur eux-mêmes, leur impuissance à résoudre seuls leurs conflits les amène à envisager l’homme en tant qu’être social. Compte tenu que le surréalisme est aussi une façon de vivre, les surréalistes retournent dans le réel, en s’engageant en politique notamment, pour édifier une théorie d’action sociale afin de changer les conditions extérieures qui limitent l’existence de l’homme. À partir de 1925, Breton rapproche ainsi les surréalistes au Parti Communiste. Cet engagement se poursuit lors de la seconde guerre mondiale par leur intégration à la Résistance. En effet, le surréalisme doit faire oeuvre positive en ce monde, agir pratiquement sur les faits tout en poursuivant ses investigations sur l’activité intéressante de l’esprit. La réalité et la surréalité interfèrent sans cesse ; le but du surréalisme est de montrer l’unité de ces deux mondes en apparence si opposés pour développer la personnalité humaine. Le surréalisme n’est pas une conception pessimiste de la vie puisqu’il révèle les possibilités insoupçonnées et veut fournir les moyens de les réaliser à l’homme. " sur " 2 10 _ LES PROCÉDÉS ET THÈMES SURRÉALISTES : RÉVÉLER L ’EXTRAORDINAIRE Le caractère premier des surréalistes est ancré dans l’étymologie du terme composée de sur- et du nom réalisme. Le préfixe sur- du latin super (au-dessus de) indique un aspect de supériorité au réel. Le suffixe -isme quant à lui insiste sur le caractère idéologique du mouvement. Le mot est attesté chez Apollinaire en 1918 et ses enjeux seront théorisés dès 1924 par André Breton dans son premier Manifeste du Surréalisme. Des thèmes symboliques sont récurrents comme la ville, la mythologie, la femme et l’amour ou encore les rêves… Des procédés singuliers sont alors utilisés et inventés systématiquement. _ PROCÉDÉS ET THÈMES : L’EXTRAORDINAIRE DANS LE QUOTIDIEN Placé sous le signe d’un merveilleux à chercher dans le quotidien, l’art surréaliste a pour fonction de révéler l’imprévisible, le stupéfiant et la beauté bouleversante dans la trame du quotidien. Pour les surréalistes, l’imagination a le pouvoir extraordinaire de découvrir un sens à n’importe quelle rencontre à condition que l’oeil soit conditionné. André Breton dans son essai Le surréalisme et la peinture, publié en 1928, affirme que « l’oeil existe à l’état sauvage ». Il explique alors la possibilité, sinon la nécessité, de découvrir des éléments neufs et inédits dans notre monde quotidien. Cette exploration du monde ne peut se faire que par l’intermédiaire de l’oeil, du regard. LA VILLE Les surréalistes, passionnés par la vie moderne, ont élu la ville comme lieu de la magie quotidienne. Paris fut l’espace d’investigation privilégié des membres du groupe. Fascinés par le Paris littéraire, hantés par les ombres de Nerval ou de Lautréamont, ils ont aussi découvert un Paris nouveau, un Paris contemporain, celui de l’entre-deux-guerres. Nouveau car, délaissant les endroits à la mode comme Montparnasse ou Saint-Germain, les surréalistes ont élu la rive droite, les grands boulevards, les passages et autres lieux considérés jusqu’alors comme ordinaires ou trop « populaires ». La ville invite à la flânerie et flânerie rime avec rêverie. L’errance, au hasard, dans le dédale des rues parisiennes, reste l’activité préférée des surréalistes, une activité que l’on peut même qualifier de consubstantielle au surréalisme. La déambulation, surtout nocturne, permet le jaillissement de l’inconscient, le surgissement de l’imprévu, le choc poétique, la rencontre extraordinaire. " sur " 3 10 Cette déambulation pédestre est, pour les membres du groupe, une véritable activité mentale et poétique qu’Aragon qualifie de « métaphysique des lieux ». Plutôt que de se promener, le poète surréaliste est promené, entraîné par une force mystérieuse à laquelle il s’abandonne. Il est, aussi, en quête des pouvoirs perdus et, pour lui, explorer la ville revient à explorer l’inconscient. Flâner au hasard, l’imagination flottante, en s’abandonnant, ouvre des failles dans lesquelles s’engouffre ce que la raison refoulait jusqu’alors. Les parcours sont ainsi jalonnés de signes qu’il faut savoir lire et décoder. Desnos est particulièrement sensible aux effigies de la mythologie moderne placardées sur les murs : le bébé Cadum ou encore le Bibendum du pneu Michelin. Eli Lotar, photographe d’origine roumaine, visite les abattoirs de la Villette. Sur ce cliché, les pieds de veau sont alignés au garde-à-vous contre un mur noir. Image mystérieuse, inquiétante. On pourrait imaginer des pieds de soldats couverts de guêtres et coupés au jarret. Le thème de l’abattoir est un thème cher aux surréalistes. Sur cette photo, particulièrement, il renvoie à la boucherie de la Grande Guerre. D’autre part, on voit sur le mur des traces de graffiti et des lettres. Signes, là encore, infiniment surréalistes. Les poètes aimaient, au cour de leurs flâneries nocturnes, avoir l’œil arrêté par ces inscriptions toujours chargées de sens. La ville favorise ainsi les « pétrifiantes coïncidences ». Pour les surréalistes la ville -lieu privilégié de la magie quotidienne- est bien, comme l’affirme Benjamin Péret, « chair et sang de la poésie ». L’INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ L ’étrange et l’inattendu semblent constituer autant de moyens de mettre à jour la surréalité, par un regard uploads/s3/ le-surrealisme-et-l-x27-extraordinaire.pdf

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