Tréma 51 | 2019 Usages didactiques de la bande dessinée Marianne Blanchard et H

Tréma 51 | 2019 Usages didactiques de la bande dessinée Marianne Blanchard et Hélène Raux (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/trema/4803 DOI : 10.4000/trema.4803 ISSN : 2107-0997 Éditeur Faculté d'Éducation de l'université de Montpellier Édition imprimée ISBN : 979-10-96627-07-3 ISSN : 1167-315X Référence électronique Marianne Blanchard et Hélène Raux (dir.), Tréma, 51 | 2019, « Usages didactiques de la bande dessinée » [En ligne], mis en ligne le 14 mars 2019, consulté le 09 avril 2020. URL : http:// journals.openedition.org/trema/4803 ; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.4803 Ce document a été généré automatiquement le 9 avril 2020. Trema SOMMAIRE La bande dessinée, un objet didactique mal identifié Marianne Blanchard et Hélène Raux Un objet didactique encore neuf Ce que les blogs d’enseignants disent de la lecture de bandes dessinées à l’école Hélène Raux DERRIERE LES CASES, LA CLASSE ou Comment initier les futurs professeurs des écoles à la BD ? Sylvie Dardaillon et Christophe Meunier Comment le langage de la bande dessinée travaille des savoirs réception et production de bandes dessinées à visée didactiques « A la recherche du réel perdu » ou la pertinence de l’utilisation d’une bande dessinée dans l’enseignement de la mécanique quantique en Licence. Philippe Lautesse, Lionel Chaussard, Juliette Tuaillon, Fabrice Ferlin et Jean-Loup Héraud Co-construction et expérimentation d’une bande dessinée numérique pour la classe : les Grandiloquents, épisode sur la gravitation Valentin Maron, Laurence Bordenave et Barbara Govin Quand l’élève devient auteur.e : analyse didactique d’ateliers BD-sciences Cécile de Hosson, Laurence Bordenave, Pierre-Laurent Daures, Nicolas Décamp, Christophe Hache, Julie Horoks et Isabelle Kermen Du tableau à la bande dessinée, la question de l’œuvre. Analyse d’une expérience en Arts Plastiques au Lycée. Michèle Ginoulhiac Des compétences disciplinaires mobilisées par la lecture de bandes dessinées La BD : un support « facilitant » en classe de SES ? Claire Polo et Nicolas Rouvière La bande dessinée en cours d’allemand entre comic strip et roman graphique Britta Langhans, Ines Paraire et Nathalie Schnitzer La question sensible des conflits du Moyen-Orient confrontée à l’humour de la BD autobiographique Fabien Groeninger Tréma, 51 | 2019 1 Entretien avec Nicolas Rouvière Quelles perspectives pour une didactique de la BD en classe de littérature ? Nicolas Rouvière et Hélène Raux Tréma, 51 | 2019 2 La bande dessinée, un objet didactique mal identifié Marianne Blanchard et Hélène Raux 1 De l’école à l’université, l’idée que la bande dessinée a sa place dans un contexte d’enseignement semble avoir fait son chemin en France : des bandes dessinées figurent parmi les ouvrages recommandés pour l’enseignement de la littérature à l’école élémentaire depuis 2002, le festival de la bande dessinée d'Angoulême collabore autour de différents projets (concours de BD scolaires, prix des écoles/collèges/lycées) avec le Ministère de l’Éducation nationale depuis 2007, les résidences d’auteurs de bande dessinée en milieu scolaire se multiplient, etc. 2 Pour autant, la légitimité scolaire de la bande dessinée reste faible comparativement à d’autres supports, en témoigne sa place encore restreinte dans les programmes : Aquatias (2017) note par exemple qu’en français la bande dessinée est mentionnée parmi les genres à lire à l’école et au collège mais conserve une place très marginale, tandis qu’en arts plastiques, les programmes l’abordent plus souvent « en filigrane » qu’explicitement1. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que la bande dessinée reste peu mobilisée en milieu scolaire : les enquêtes réalisées sur les lectures à l’école indiquent ainsi qu’en littérature elle n’occupe qu’une place très marginale parmi les œuvres lues dans les classes (Louichon, 2008 ; Dardaillon, 2009 ; Bonnéry et al., 2015). De fait, c’est finalement hors des salles de classes que la bande dessinée semble être le plus lue en milieu scolaire, qu’elle soit sortie des cartables entre les cours, dans les « interstices des emplois du temps » (Détrez et Vanhée, 2012, p. 63) ou consultée dans les Centres de Documentation et d’Information (Depaire, 2019). 3 Cette faible présence en classe de la bande dessinée peut s’expliquer par l’image négative encore accolée à une partie de la production éditoriale dans ce domaine. En effet, bien que les observateurs s’accordent sur le processus de reconnaissance dont le « 9e art » a fait l’objet au cours des cinquante dernières années (Boltanski, 1975 ; Guilbert, 2011 ; Maigret, 2015 ; Groensteen, 2017), ils insistent également sur l’opposition qui s’est progressivement construite entre « BD cultivée et BD de masse » (Maigret, 1994) et que recoupent d’autres clivages : « bande dessinée enfantine vs bande dessinée pour adultes, empire du mainstream vs hérauts de l’édition Tréma, 51 | 2019 3 alternative, domaine des séries vs roman graphique » (Lesage, 2018). Comme l’indique J. M. Méon (2015), la légitimation de ce médium apparaît conditionnée par la « reprise de critères et de pratiques importés de domaines artistiques plus légitimes » : c’est Hergé en tant que « dessinateur » que l’on entend présenter au Centre Pompidou en 2006, Hugo Pratt comme « aquarelliste » que l’on veut faire découvrir à la Pinacothèque de Paris en 2011 ou encore Moebius comme artiste polyvalent « qui dépasse les limites de sa discipline » que l’on honore à la Fondation Cartier en 2010-2011 ; les créateurs et les œuvres sont valorisés à la condition qu’ils puissent être rattachés à des formes artistiques plus établies, plus « nobles ». 4 Ce « soupçon d’indignité » (Lesage, 2018) qui pèse sur une partie des œuvres de bande dessinée ne saurait pour autant expliquer à lui seul la faible présence de ce médium dans les salles de classes. On peut supposer que le manque de maîtrise du support par les enseignants joue également un rôle : peu présente dans les programmes scolaires, la bande dessinée est quasiment absente des cursus universitaires, notamment dans les composantes chargées de la formation des enseignants (ESPE) - même si elle peut être abordée ponctuellement par des enseignants-chercheurs impliqués dans des recherches sur le médium, qui connaissent actuellement un important développement dans une diversité de disciplines (Berthou, 2015 ; Baudry, 2015). Au cours de leur formation, les rares enseignants qui découvrent la bande dessinée comme objet d’étude ne le doivent qu’au hasard de rencontres avec des universitaires engagés dans des travaux dans le domaine ou d’initiatives locales, en particulier dans les environs d’Angoulême, où la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image structure une offre de formation à destination des enseignants. Mais pour la plupart, ces derniers n’ont jamais reçu de formation relative à la bande dessinée et se disent démunis devant cet objet (Dardaillon, 2009)2. Cet embarras des enseignants face à l’« objet culturel non identifié » (Groensteen, 2006) qu’est la bande dessinée se traduit dans certains des usages éducatifs qui en sont faits, dans les propositions de manuels comme dans les pratiques effectives : de fait, lorsqu’elle n’est pas ignorée, la bande dessinée est souvent sous-utilisée, voire mal utilisée. Autrement dit, « après le temps du mépris vient celui de la méprise » (Rouvière, 2012, p. 11). 5 En premier lieu, la bande dessinée n’est pas toujours utilisée pour elle-même : « accroche » pour « déclencher » des situations de cours ou « marchepied » vers des œuvres plus complexes (Rouvière, 2017), elle n’est alors qu’un prétexte pour capter l’attention des élèves/étudiants et les conduire vers d’autres supports d’apprentissage. De la même façon, les bandes dessinées sont rarement étudiées comme des œuvres intégrales (Rouvière, 2017), et on retrouve souvent ce médium cantonné à un rôle d’illustration, par exemple pour dynamiser des exercices de grammaire (Bomel-Rainelli et Demarco, 2011), ou sous forme de vignette isolée au sein de dossiers documentaires dans une diversité de disciplines, comme en histoire où des vignettes apparaissent parfois dans les pages de manuels sans être questionnées dans leur statut de document (Mack dit Mack, 2012). 6 En second lieu, la bande dessinée est considérée comme facile d’accès, et donc comme facilitant nécessairement les apprentissages. Aussi est-elle souvent utilisée en classe avec le postulat selon lequel les élèvent sauraient d’emblée la lire. Pourtant, les données empiriques montrent que ce postulat est erroné. Plusieurs études menées au Québec avec des élèves à différents niveaux du cursus indiquent qu’ils peinent à acquérir à travers un support en bande dessinée des connaissances disciplinaires. En Tréma, 51 | 2019 4 effet, la lecture de ce médium « multimodal » implique d’articuler deux modes sémiotiques spécifiques : le texte et l’image. Or les élèves s’appuient peu sur les éléments visuels pour extraire des informations d’une bande dessinée historique (Martel et Boutin, 2015) ou pour justifier l’interprétation d’un extrait de roman graphique (Lacelle, 2012). Les travaux s’attachant à décrire les compétences en jeu dans la « littératie multimodale » montrent ainsi l’importance de former les élèves à la lecture de ces supports complexes. 7 Loin de faciliter la compréhension et les apprentissages, l’usage de la bande dessinée peut même leur nuire, comme le montrent Bautier et al. (2012). Ces auteurs s’inscrivent dans un cadre théorique mettant en avant le rôle des « malentendus socio-cognitifs » dans les difficultés scolaires rencontrées par beaucoup d’élèves issus des familles populaires uploads/s3/ trema-4803.pdf

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