1 Clémentine ROQUES Le Cool, Un autre langage pour le jazz Mémoire de Maîtrise

1 Clémentine ROQUES Le Cool, Un autre langage pour le jazz Mémoire de Maîtrise Sous la direction de Makis Solomos Université Paul Valéry - Montpellier III - Département musique Septembre 2002 Table des matières Remerciements 3 INTRODUCTION 4 1. CREATION D’UNE SENSIBILITE 6 1.1. LE NOUVEAU MONDE 6 1.1.1. L’ESCLAVAGE 8 1.1.2. LA SEGREGATION RACIALE 12 1.1.3. LA RELIGION 14 1.2. GENESE DE LA CULTURE AFRO-AMERICAINE 16 1.2.1. SOURCES DU JAZZ 17 1.2.1.1. Les chants de travail 18 1.2.1.2. Les chants religieux 18 1.2.1.3. Le blues 20 1.2.1.4. Des minestrels aux ragtimes 22 1.2.2. BIRTH OF THE JAZZ 23 1.2.3. CARACTERISTIQUES DU JAZZ 24 1.2.3.1. Le jazz en profondeur 25 1.2.3.2. Les éléments musicaux du jazz 25 1.2.3.3. Le jazz évolutif 28 1.3. EN AMONT DU COOL 31 1.3.1. LE JAZZ SE DEFINIT 31 1.3.2. HAWKINS, VERS LE BOP 33 1.3.3. YOUNG, VERS LE COOL 35 2 1.3.3.1. Quelques traits de caractère 35 1.3.3.2. Le chant du poète 36 1.3.3.3. Subtile détente 37 1.3.3.4. Influences et Lestérisme 38 2. INITIATEURS SENSIBLES 40 2.1. TO COOL OR NOT TO COOL ? 40 2.1.1. PROBLEMES DE DEFINITION 41 2.1.1.1. Plusieurs alternatives 41 2.1.1.2. Contre-pied cool 42 2.1.1.3. American way of life et contre culture 43 2.1.2. LENNIE TRISTANO 47 2.1.2.1. une explication commerciale 47 2.1.2.2. La leçon de Lennie Tristano 49 2.1.2.3. Transformations tristaniennes 51 2.1.3. MILES DAVIS 53 2.1.3.1. “ L’homme qui marchait sur des coquilles d’œuf ” 53 2.1.3.2. Le cool en gestation 54 2.1.3.3. Birth of the cool 55 2.2. JAZZ WEST COAST 59 2.2.1. A L’OMBRE DES PALMIERS 60 2.2.1.1. Histoire de voir 60 2.2.1.2. Emergence d’un jazz blanc 62 2.2.2. WOODY HERMAN 65 2.2.2.1. Lester’s brothers 65 2.2.3. STAN KENTON 67 2.2.3.1. Artistry in... 68 2.2.3.2. Progressive Jazz 69 2.2.3.3. Innovations in Modern Music 70 3. SENSIBILITÉS CRÉATRICES 72 3.1. STÉRÉOTYPES 72 3.1.1. ART PEPPER’S MEMORIES 72 3.1.2. CHET BAKER 75 3.1.2.1. Les influences 75 3.1.2.2. Délicate résonance 76 3.1.3. CONTRE-EXEMPLES AU LIGHTHOUSE 77 3.2. UN AUTRE LANGAGE 78 3.2.1. SONS ET LUMIERES 79 3.2.1.1. Stan Getz, “ The Sound ” 80 3.2.1.2. Gerry Mulligan 81 3.2.2. AVANT - GARDE 84 3.2.2.1. Modern Sounds 84 3.2.2.2. Les trois mousquetaires 86 3.2.3. VERS LA MUSIQUE SAVANTE OCCIDENTALE 89 3.2.3.1. Dave Brubeck 90 3 CONCLUSION 92 RESUME - ABSTRACT 96 ANNEXES 97 EXEMPLES MUSICAUX - CASSETTE 105 BIBLIOGRAPHIE 107 DISCOGRAPHIE 110 INDEX DES NOMS PROPRES 111 INDEX CONCEPTUEL 113 REMERCIEMENTS J’aimerai remercier tout particulièrement mon directeur de recherche, Makis Solomos, grâce à qui cette année “ d’apprentissage de la liberté ” - selon ses propres termes - ne s’est pas limitée à la simple rédaction d’un devoir de maîtrise. Et comme la liberté ne s’acquiert pas sans l’aide précieuse d’êtres qui nous sont chers, je remercie également mes amis Coralie et Luciano, mes parents Alyx et Herman, ma soeur Delphine, ainsi que Thaïs, Elodie et Julien. 4 INTRODUCTION Il est intéressant de constater dans le jazz - et dans beaucoup d'autres musiques également - les liens qui existent entre cet art et le contexte socioculturel dans lequel il prend naissance. Et ces liens paraissent évidents lorsque l’on envisage la musique comme une manifestation de la sensibilité des êtres qui la produisent, et la sensibilité comme une faculté d’expression et de réaction de l’homme par rapport au milieu dans lequel il vit. La genèse et par la suite l’évolution du jazz sont, de ce point de vue, en étroite corrélation avec les aléas de la société américaine. Cette société va, d’une certaine manière, façonner les structures mentales, mais sans pour autant les embrigader. En effet, les personnes vivant dans un certain milieu en sont imprégnées et réagissent par rapport aux valeurs et codes instaurés par celui-ci, mais tout en gardant leur intégrité et leur originalité d’être unique parmi la masse. La sensibilité de ces personnes, naissant du contact à la société et à l’éducation, va ensuite se mettre au service de leur expression ou, le cas échéant s’ils sont musiciens, au service de leur musique. Le jazz est directement issu de ce phénomène. Cependant, les conditions dans lesquelles il évolue laissent à penser qu’il est le fruit de la sensibilité noire en particulier. Mais pouvons-nous vraiment dire que les Noirs ont une sensibilité spécifique ? D’autre part, les noms de jazzmen blancs ne manquent pas. Le jazz semble donc n’avoir aucune appartenance. Pourtant, quelques cinq décennies après son avènement, nous entendons dire que le jazz est d’essence noire, et par conséquent ne pourrait être joué que par les représentants de la communauté afro-américaine. Or, le jazz est-il seulement une musique pure ? Les musiciens issus d’autres cultures et dont l’histoire diffère de celle des Noirs américains ne peuvent-ils pas saisir, eux aussi, l’esprit du jazz ? Le jazz se présente-t-il sous une forme unique ? Ainsi, depuis sa conception à la fin du dix-neuvième siècle, le jazz n’a cessé - tout au long de son histoire - de soulever divers problèmes, représentant autant d’obstacles à toute tentative de définition objective. Il paraît donc nécessaire d’abreuver notre curiosité aux sources du jazz, afin de pouvoir se faire une idée quant à sa véritable nature. Les origines de la culture afro-américaine se situent sans doute aux abords du Nouveau Monde, berceau de ce qui sera plus tard les Etats-Unis d’Amérique. La genèse du jazz serait donc directement liée à la rencontre, certes douloureuse mais fertile, des colons venus d’Europe avec leurs esclaves africains. Quelques temps après sa naissance, le jazz a 5 évolué et semble se scinder tout au moins en deux formes d’expression, l’une est fiévreuse, l’autre rafraîchissante. L’incandescence, qui paraissait être une des marques les plus évidentes du jazz, perd de sa suprématie au profit d’un langage plus décontracté. Les problèmes liées à cet état de fait sont nombreux et bousculent l’image que l’on avait jusqu’à présent du jazz. De nouveaux questionnements surgissent alors : quelques degrés en moins trahiraient-ils son caractère ? Le cool pourrait-il se substituer au hot sans pour autant dénaturaliser le jazz ? A priori ces deux manières d’envisager le jazz s’opposent, mais ne seraient-elles pas tout simplement complémentaires ? Et que signifie réellement le terme cool ? L’apprécions-nous à sa juste définition ? Où et comment les initiateurs du cool ont-ils puisé leur inspiration ? Plusieurs musiciens, dans les années 1950, ont expérimenté cette forme d’expression. Elisant domicile tant sur la côte Est que sur la côte Ouest, les protagonistes de cet autre langage ont-ils créé un courant pouvant constituer une véritable école du cool ? L’exemple de quelques-uns d’entre eux sera peut-être susceptible de nous éclairer. Fut-il bénéfique pour le jazz ? Quels sont ses apports ? Le jazz ne serait-il pas finalement multiple ? 6 1. Création d’une sensibilité Les premières données d’une culture afro-américaine et en l’occurrence du jazz prennent racines dans la rencontre fertile mais douloureuse de deux populations, placées dès le départ, sur un pied d’inégalité. L’histoire du jazz et des sensibilités va naître ainsi au sein de l’Amérique coloniale qui laisse entrevoir les prémices d’une politique et d’une économie capitaliste entraînant, dans ses rêves fous de richesses, l’asservissement de tout un peuple. L’esclavage et ses suites resteront par ailleurs dans les esprits sous la forme d’une marque cruelle et indélébile qui trouvera son exutoire dans l’art et notamment la musique. 1.1. Le Nouveau Monde A l’origine de l’esclavage, il y a la ségrégation raciale et si celle-ci a existé et existe encore, c’est pour une raison simple. Elle prend naissance lorsqu’un groupe d’individus se proclame délibérément supérieur par rapport à un autre groupe d’individus. Les motifs d’une telle décision se basent sur une différence apparente et intolérable, pour l’intéressé, de couleur de peau s’accompagnant généralement d’une différence de religion ou de mœurs. Pourtant, “ aucun critère anatomique ou physiologique précis n’a jamais pu donner le moindre fondement racial à des communautés d’ordre linguistique ou d’ordre idéologique ”. [Malson Lucien (1983) : 21] En outre, cette autoproclamation abusive, dans le contexte même du genre humain, n’a aucun fondement objectif quand on connaît l’étendue des particularités qui rend chaque être unique et dont la couleur de peau n’est pas la plus significative... mais simplement la plus visuelle ! Ce phénomène s’exprime dans toute sa splendeur sur les terres du Nouveau Monde (entre autres...), là où coexistent deux peuples, inévitablement et réciproquement haineux, que la nature a tout fait (a priori) pour séparer : les uns sont blancs, les autres noirs. L’homme a toujours cherché à faire des classifications, des tableaux et des hiérarchies mettant en valeur telle ou telle caractéristique des uns par rapport aux autres. En l’occurrence, se fut les Blancs, qui éprouvèrent le besoin de se sentir supérieurs face aux Noirs et qui s’adonnèrent à ce genre de démarcations avantageant, bien sûr, leurs seules et propres particularités. 7 Pourquoi un tel besoin ? Créer une race supérieure implique nécessairement, créer une race inférieure. Et qui dit inférieure dit facilement soumissible, à volonté et sans remords. A partir de là, il n’est pas difficile d’imaginer l’entreprise d’esclavagisme qui s’ensuivit. La uploads/s3/ these-jazz-cool.pdf

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