Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Sur la mort (du social) dans la pratique de l’art relationnel » Bruce Barber Inter : art actuel, n° 101, 2008-2009, p. 40-47. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : http://id.erudit.org/iderudit/45493ac Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 10 July 2016 02:21 La communauté se révèle toujours par la mort des autres. [Jean-Luc Nancy]1 > Edouard Manet, Le torero mort, 1864. J'ai été témoin récemment d'une discussion entre deux commissaires de performance. Je les ai entendus dire qu'ils s'ennuyaient « de recevoir des propositions pour des festivals basés sur l'esthétique relationnelle, un travail qui est simplement improvisé sur place et saupoudré de quelques signifiants de social ». Une de mes connaissances qui écrit sur l'art a aussi exprimé des réserves concer- nant le travail de pratique communautaire fait par un artiste certifié comme étant rela- tionnel, posant cette question : « Qui est vrai- ment l'artiste, lorsque l'exposition va sous l'imprimatur d'un artiste mais qu'en réalité le travail est fait par les groupes communau- taires qui s'engagent à sa requête ? » Malgré ces légères démonstrations d'in- satisfaction, il est de plus en plus évident que l'esthétique internationale dominante - si l'on ose la nommer ainsi - de la dernière décennie - au moins depuis 1996, et se continuant dans les années 2000 - est devenue, pour le meilleur ou pour le pire, relationnelle, et nous ne pouvons pas blâmer Nicolas Bourriaud pour ce fait2. Il n'y a peut-être pas de meilleur témoin de cette « dominance du relationnel » que l'insti- tutionnalisation des formes variées de la pratique sociale au sein des programmes de deuxième et troisième cycles, mondialement. Par exemple, le Graduate Program in Fine Arts offert au California College of Arts (CCA) promeut ses programmes sur Internet en informant les futurs étudiants qu'ils peuvent « choisir une concentration dans la pratique sociale au lieu d'une discipline traditionnelle basée sur le studio »3. Les étudiants de la maîtrise en arts au CCA sont invités à incorporer « diverses stratégies dans leur pratique de studio », y compris « les interventions urbaines, les propositions utopiques, l'architecture de guérilla, l'art public nouveau genre, la sculp- ture sociale, les projets d'art communautaire, les médias interactifs, "la dispersion des services"4 et la performance de rue »5. La description sur le site Web du CCA se poursuit avec la mention que les étudiants diplômés dans la pratique sociale se concen- treront sur « les questions d'esthétique, d'éthique, de collaboration, de personnages, de stratégies médiatiques et d'activisme - de l'intersection de l'art et des situations sociales dans la vraie vie ». Étant donné que beaucoup de leur travail impliquera les commandes publiques, les résidences de longue durée et la création d'institutions parallèles et de collectifs, les futurs étudiants gagneront ainsi de l'expérience dans « la conception de projets complexes ainsi que l'articulation de narration pour les appuyer, de même que l'entretien d'un réseau de praticiens, de pairs et d'institutions de soutien ». La description de ce programme déplace subtilement l'attention de Yatelier - c'est- à-dire le studio, imprégné par des modèles d'enseignement du mentor qui remon- tent au XIXe siècle - vers le concept moins générique du workshop, en affirmant que la position centrale de la pratique sociale est le workshop. Cependant, au cas où il paraîtrait trop progressif, le texte descrip- teur reprend les signifiants du studio en colligeant « studio/pracf/cum »' dans la description d'un cours d'une durée d'un an mené par des « professeurs permanents de la Faculté en lien avec des artistes et des théo- riciens invités du pays et de l'étranger ». La description continue ainsi : chaque workshop « adoptera une approche de travail basée sur les conditions du terrain lui-même et [pour le mot et, lisez « mais »] sera axé sur un cadre thématique particulier ». Pour expliquer l'ap- proche en plus grand détail, comme si le but était d'enlever l'ambiguïté entre le centre et la périphérie dans la phrase précédente, le texte se poursuit en mentionnant que « les workshops pourraient avoir lieu dans divers contextes sociaux et physiques, y compris les environnements urbains, les organisa- tions formelles et informelles ou les médias populaires»7. Une annonce récente faite par Ameri- cans for the Arts offre un autre indice de l'influence de la pratique de l'art relationnel, 40 cette fois sous la rubrique Public Art Practice tot qui fait la publicité de son programme dans les termes suivants : « À travers les études et les projets exemplaires, les parti- cipants apprendront les assises de la créa- tion de l'art public pour leur communauté. Pendant qu'on navigue sur les conditions économiques actuelles changeantes, la planification et la durabilité de nos programmes seraient la clé de notre succès. Le "webinar"8 de 90 minutes discutera du contexte du placement d'une œuvre d'art dans l'espace public, comprenant la poli- tique impliquée dans la construction d'une base de parties intéressées ainsi que les partenariats ou les stratégies de recomman- dation. Les instructeurs exploreront divers modèles de subventions et de structures de programmation, y compris les commandes de un pour cent, ainsi que les stratégies globales comme les processus de sélection des artistes. » L'annonce identifie les livres Public Art by the Book et Art of Placemaking comme des « ressources supplémentaires au "webinar" avec des "webinars" à venir sur des change- ments régionaux dans l'enseignement de l'art, des stratégies globales en art public ou des plans nationaux de marketing de l'art et d'autres aspects ». Ça va, mais n'est-ce pas là le langage du néolibéralisme et de la logique administratrice du monde des affaires, ce même langage que la pratique de l'art rela- tionnel vise à vaincre ? D'accord, le premier programme diffère substantiellement du second, avec son adhérence aux mots clés de l'administration du monde des affaires, tels que parties inté- ressées, partenariats et stratégies de recom- mandation, ainsi que le néologisme affreux qu'est webinar (webnaire). Néanmoins, si l'on lit positivement entre les lignes (ou peut- être à l'extérieur des lignes), il paraît que de tels programmes peuvent soutenir les buts exposés par l'Internationale Situationniste dans les années cinquante et soixante, quoiqu'ils soient à l'intérieur de l'institution et non pas à l'extérieur de celle-ci. En effet, à travers leurs mots clés, ces programmes privilégient la collaboration, le contexte, le réseautage, la communauté de même que le travail in situ, qui sont des buts semblables à ceux de la pratique de l'art relationnel, de l'« art dialogique » (Grant Kester), des stra- tégies littorales, y compris les formes plus ouvertement politiques et les pratiques d'art opérateur menées par des groupes comme Critical Art Ensemble, Wochenklausur, Repo- history, The Yes Men ou Superflex. Le philosophe Michel de Certeau a lié les stratégies aux institutions et aux structures du pouvoir, tandis que les individus se créent de l'espace dans les environnements définis par les stratégies en utilisant des tactiques9. Éviter d'être consommé par la société de consommation était le but poursuivi par l'Internationale Situationniste à travers un monde de moyens subtils et pratiques. Par exemple, la promenade en ville ou la dérive était moins vue comme étant une flânerie du XIXe siècle qu'un acte critique, ce qui est davantage le cas, il faut le dire, vu l'essor du prix du pétrole. Cela ressemble au concept troublant de la psychogéogra- phie vue par Debord et d'autres membres de l'Internationale Situationniste comme un moyen de plus de remettre en cause les caractéristiques réifiantes de la société du spectacle. Mais, à l'heure actuelle, comment différencier ces formes de pratique de l'art contemporain étant donné qu'elles sont de plus en plus exposées à l'institutionnalisation et aux exigences - osons-nous dire ou est-il nécessaire de le faire - du capital ? En termes politiques ? Évidemment, ce sujet mérite l'attention d'un livre et, en effet, il existe plusieurs textes qui ont entamé ces ques- tions10. Vu le déclin récent du néolibéralisme ainsi que la crise de capital dans les marchés mondiaux due à la débâcle du marché des prêts à haut risque", il est peut-être temps d'en faire le bilan : comment cette situation va-t-elle influencer les coulisses progressives de l'institution de l'art ? J'offrirai ici en forme de sections sous-titrées quelques distinctions entre les diverses formes de pratique d'art relationnel qui emploient l'agencement et l'efficacité comme moyens de différencier le côté tendancieux de l'art, sur lequel j'ai déjà publié des textes", et ses positions adoptées par défaut qu'on ne peut qu'associer à l'op- portunité, comme on l'a uploads/s3/ sur-la-mort-du-social-dans-la-pratique-de-l-x27-art-relationnel.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 06, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 2.1632MB