1 Peter BURKE, La Renaissance en Italie : art, culture, société, 1991, Paris De
1 Peter BURKE, La Renaissance en Italie : art, culture, société, 1991, Paris Deuxième partie : Les arts et leur milieu I. Artistes et écrivains L’origine L’élite culturelle, ce sont les gens dont les capacités créatrices sont reconnues dans cette société. Très peu de femmes parmi les artistes de la période, seulement trois poétesse : Vittoria Colonna, Veronica Gambara et Tulia d’Aragona. Il existe une disparité régionale quant à la proportion de membres de cette élite pratiquant les arts plastiques. En Toscane, en Vénétie, en Lombardie, les arts plastiques dominent alors qu’à Gênes et dans l’Italie du Sud, les écrivains sont plus nombreux. Il faut souligner la faiblesse de la contribution de Rome. Sur 600 artistes, Peter Burke n’en compte que 4 d’origine romaine. Au contraire les petites villes de Ferrare et d’Urbino en produisent plus. L’importance de Rome à la renaissance tient à ce qu’elle était un centre de mécénat qui attirait des artistes originaires d’autres régions d’Italie. A. La formation La formation, tout comme l’origine sociale, montre que les artistes et les écrivains appartenaient à deux cultures différentes, celle de l’atelier et celle de l’université. Quelques ateliers semblent avoir eu une importance capitale pour les arts de cette époque : celui de Lorenzo Ghiberti qui compte parmi ses élèves Donatello, Michelozzo, Uccello, Antonio Pollaiuolo, ainsi que celui de Verrocchio qui comprit non seulement Léonard de Vinci mais aussi Botticini, Domenico Ghirlandaoi, Lorenzo di Credi et le Pérugin. Mais l’atelier le plus important de toute cette période est probablement celui de Raphaël dans lequel exercent Guilo Romano, Gianfrancesco Penni, Polidore de Caravage, Perino del Vaga et Lorenzo Lotti. Pour les humanistes et scientifiques c’est la formation universitaire qui représente l’équivalent de l’apprentissage. Au début du XIVe, l’Italie comptait 13 universités dont la plus importante était Padoue. Les architectes et les compositeurs doivent être mis à part des autres artistes. L’architecture n’était pas considérée comme un art autonome et il n’y avait donc pas de guilde des architectes ni de système d’apprentissage. Les compositeurs eux, pour utiliser un terme moderne, recevaient une formation d’interprètes. La majorité d’entre eux étudient dans une chorale de leur pays natal. il y avait en Italie, à l’époque de la renaissance, deux cultures et deux systèmes de formation : l’un manuel, l’autre intellectuel, l’un en italien, l’autre en latin, l’un fondé sur l’atelier, l’autre sur l’université. 2 B. L’organisation des arts Pour les peintres et les sculpteurs, l’unité fondamentale était l’atelier, la bottega, qui comprenait un petit groupe réalisant en collaboration un vaste éventail d’objets. L’atelier était souvent une entreprise familiale. Ces habitudes de travail en commun permettent de mieux comprendre comment des artistes célèbres pouvaient travailler sur les mêmes tableaux, ensemble ou l’un après l’autre. Les ateliers de sculpteurs étaient organisés sur le même modèle que ceux des peintres. Donatello était associé à Michelozzo, tandis que les dynasties Gaggini et Solari fournissent des exemples manifestes d’entreprises familiales. L’architecture était bien évidemment organisée sur une plus grande échelle et en fonction d’une division du travail plus poussée. Le fait que l’architecture fût une entreprise aussi collective dû freiner l’innovation. Les artisans étant formés par d’autres artisans, ils apprenaient à rester fidèles aux traditions tout autant qu’aux techniques. Il semble qu’il existe un lien entre l’apparition d’un nouveau style architectural et l’avènement d’un nouveau type de concepteur, l’architecte, qui, comme Alberti n’avait pas reçu une formation de maçon. La guilde représentait le niveau supérieur d’organisation pour les peintres, les sculpteurs et les maçons, mais non pour les architectes. Les guildes avaient plusieurs fonctions : elles fixent les normes de qualité, gèrent les relations entre les commanditaires, les maîtres, les compagnons et les apprentis. Elles reçoivent l’argent des souscriptions et des legs, en prêtent ou en donnent à leurs membres dans le besoin. Les écrivains, les humanistes, les scientifiques et les musiciens n’avaient pas de guildes ni d’ateliers. Les humanistes et les scientifiques avaient leurs universités, les écrivains eux n’avaient aucune forme d’organisation. Écrire était une activité qu’on effectuait plus ou moins pendant ses moments de loisir tandis qu’on avait pour véritable métier celui de soldat, de diplomatique ou d’évêque. Dans l’Italie du XVe, la production littéraire n’était donc pas encore une industrie. Elle commence à le devenir au milieu du XVIe, comme en France au XVIIIe. En revanche la reproduction des œuvres littéraires était certainement industrialisée. À partir du milieu du XVe, l’industrie de la copie entre en concurrence avec la production de masse qui permettait d’ « écrire » mécaniquement les livres. Certains scribes deviennent alors imprimeurs (Taddeo Crivelli). Les premiers livres imprimés ressemblent fortement à des manuscrits. L’imprimeur est une nouvelle profession qui doit remplir trois fonctions différentes : la fabrication des livres, la vente et celle d’ « éditeurs », c’est-à-dire la distribution sous leur nom et leur responsabilité des livres qui étaient imprimés par quelqu’un d’autre. Les effets de l’invention de l’imprimerie sur l’organisation de la littérature ont été aussi variés que radicaux : un désastre pour les copistes et les stationarii (libraires et directeurs des ateliers) mais aussi l’apparition de nouvelles activités qui aident les créateurs. En effet on a eu besoin d’un nombre croissant de bibliothécaires avec l’accroissement important des bibliothèques (Ange Politien, poète et universitaire, bibliothécaire des Médicis). Autre nouvelle profession créée : celle de correcteur. La musique ressemblait à la littérature en ce que la reproduction était organisée alors que la production ne l’était pas. Les églises possèdent leurs chœurs, les villes leurs joueurs de 3 tambour et de fifre, les cours possèdent les deux, mais la fonction de compositeur n’est guère reconnue. Certains artistes sont quant à eux itinérants, les imprimeurs voyagent également beaucoup. La peinture, la sculpture et la musique sont en général des activités professionnelles à temps plein, alors que l’activité d’écrivain est exercée par des amateurs à temps partiel et que les architectes pratiquent un autre art. L’Eglise reste une source importante d’emplois à temps partiel pour les écrivains, les humanistes et les compositeurs. Un autre emploi fréquent pour les écrivains et les humanistes était celui de secrétaire. C. Le statut des arts Le statut de l’artiste est ambigu. Fréquemment ils affirmaient qu’ils possédaient, ou devraient posséder, un statut élevé. La peinture avec un statut élevé puisque le peintre peut porter des habits élégants pour travailler. Certains peintres ont été faits chevalier ou anoblis par leur protecteur (Gentile Bellini est fait comte par Frédéric III, Mantegna par le pape Innocent VIII…). C’était pour le mécène un moyen économique de récompenser les services rendus, mais pour l’artiste, c’était un réel honneur. On sait également que quelques peintres font fortune, cela leur donnait un statut, et les prix qu’ils exigeaient montre que la peinture coûtait très cher. Pour les sculpteurs et les architectes, les indices vont dans le même sens. Ghiberti et Alberti mettent ces activités sur le même plan que les arts libéraux. Les lettres d’anoblissement accordées en 1468 à Luciano Laurana par Federigo da Montefeltro, le souverain d’Urbino, déclarent que l’architecture est « un art qui demande un grand savoir et une grande habileté », et qu’il est « fondé sur l’arithmétique et la géométrie, qui sont les plus éminents des sept arts libéraux ». Certains sculpteurs se voient adresser des poèmes, d’autres sont anoblis. Les maisons des artistes sont le signe de l’élévation de leur statut, en particulier les palais de Mantegna et Giulo Romano à Mantoue, et celui de Raphaël à Rome. Les compositeurs de cette époque se comparent parfois aux poètes. Musiciens très renommés : Johannes de Tinctoris, Ockeghem, Busnois. Beaucoup de compositeurs étaient traités avec honneur en Italie. Le pape Léon X, fils de Laurent de Médicis, fait comte Gian Maria Guideo, joueur de luth, Philippe le Beau de Bourgogne fait la même chose pour un chanteur et compositeur italien, Marbriano da Orto. Beaucoup d’humanistes atteignent également un statut élevé. Il y a tout de même des ombres à ce tableau : les artistes et les écrivains ne sont pas traités avec les mêmes égards par tous. À l’époque, trois préjugés sont partagés sur les artistes. Ils sont considérés comme ignobles parce que : - leur métier implique une part de travail manuel, la peinture, la sculpture, l’architecture ne sont pas des arts « libéraux » mais des arts « mécaniques » - leur métier représente une forme de petit commerce, ils méritent donc un statut aussi bas que celui de cordonnier ou d’épicier - ils n’ont pas d’instruction, on parle d’ « ignorance » des artistes. 4 En conclusion, qu’ils s’agissent de statut ou de formation, l’élite créatrice représentait deux cultures : la littérature, l’humanisme et la science étaient plus valorisés que les arts plastiques et la musique. Les artistes de la Renaissance représentent un exemple de ce que les sociologues appellent la « dissonance de statut ». Selon certains critères, les artistes étaient dignes de respect, selon d’autres ils étaient de simples artisans. En réalité, les artistes étaient respects par une certaine catégorie d’aristocrates et de puissants, mais méprisés par les autres. Le statut des artistes et uploads/s3/ peter-burke-la-renaissance-en-italie-partie-2.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 24, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3115MB