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2 Ce livre numérique est une création originale notamment protégée par les dispositions des lois sur le droit d’auteur. Il est identifié par un tatouage numérique permettant d’assurer sa traçabilité. La reprise du contenu de ce livre numérique ne peut intervenir que dans le cadre de courtes citations conformément à l’article L.122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. En cas d’utilisation contraire aux lois, sachez que vous vous exposez à des sanctions pénales et civiles. 3 Frédéric Lenoir Cœur de cristal Illustrations : Alexis Chabert Couleurs : Magali Paillat 4 En couverture : Illustration © Alexis Chabert, mise en couleur © Magali Paillat © Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2014 © Illustrations : Alexis Chabert ISBN 978-2-221-14604-0 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. 5 À ceux qui ont un cœur d’enfant 6 Prologue On aime encore plus intensément, et plus profondément, lorsque la douleur a creusé et agrandi notre cœur. Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un royaume lointain, un roi puissant qu’on appelait le roi bon. Sa bonté était si grande qu’elle était connue de tous. Dans ses terres, comme dans tous les autres royaumes du monde. Partout, son nom était respecté et sa vie donnée en exemple aux enfants : « Regarde, leur disait-on, ce roi est si bon que tout son peuple l’aime et vit en paix. Il n’a pas besoin de régner par la peur. Le secret de sa puissance tient à sa seule bonté. » Un jour, alors que le roi bon était déjà vieux et malade, Aloa, sa petite- fille âgée de neuf ans, vint le trouver sur la terrasse du palais où il se reposait. Ses yeux étaient embués de larmes. Le roi la prit sur ses genoux et lui demanda : « Pourquoi pleures-tu, ma petite chérie ? — Parce que Goum est mort, répondit la fillette, redoublant de pleurs. Je suis si malheureuse… » Le vieux roi savait combien Aloa était attachée à son chien Goum, qui ne la quittait pour ainsi dire jamais. Il ne chercha pas à sécher les larmes de sa petite-fille, mais il pleura avec elle, la serrant toujours plus fort dans ses bras. Quand le puits de tristesse de son cœur fut asséché, Aloa plissa son petit front et lança avec rage : « Je ne veux plus souffrir ! Je ne veux plus m’attacher à personne ! » Le roi la regarda avec gravité, puis dit ces mots : « Écoute-moi bien, ma petite Aloa. Quand on a perdu un être cher on peut fermer son cœur, ou bien utiliser ce silex de la peine qui le déchire pour l’ouvrir davantage encore. On aime encore plus intensément, et plus profondément, lorsque la douleur a creusé et agrandi notre cœur. » La fillette ouvrit de grands yeux interrogateurs. Le vieux roi continua : 7 « Je vais te raconter une histoire. Mon histoire. Veux-tu ? » Aloa acquiesça de la tête, se lova contre son grand-père et ferma les paupières. Le roi aussi ferma les yeux, comme pour aller chercher ses souvenirs au plus loin dans sa mémoire. Il poursuivit d’une voix douce : « Tu sais, ma chérie, tout le monde m’appelle le roi bon. Mais quand j’avais vingt ans, on m’appelait cœur de cristal, car mon cœur était pur, mais froid comme le cristal. » 8 1 Un cœur glacé L’amour est le parfum et la saveur de la Vie. J’étais beau, j’avais reçu une magnifique éducation, j’étais l’unique héritier du trône, tout le monde m’enviait. Et pourtant, au fond de moi, je ne connaissais pas le bonheur, car j’étais né avec un bien étrange handicap : j’étais incapable d’aimer. Ma mère, décédée à ma naissance, ne me manquait pas ; je respectais mon père, sans pour autant lui être particulièrement attaché. Mon cœur d’enfant n’a jamais vibré pour personne. J’avais de nombreux camarades de jeu, mais je ne ressentais aucune émotion particulière lorsque je ne les voyais plus. Et quand il arrivait malheur à l’un d’entre eux, j’étais pris parfois d’une sorte de pitié : j’aurais préféré qu’il ne souffrît pas, mais je n’étais ni triste ni courroucé. J’ai certes connu dans mon enfance toutes sortes d’émotions – de la peur, de la colère, de la joie ou de la peine –, mais elles n’étaient jamais le fruit de mon attachement à quelque être que ce fût. J’étais sombre ou joyeux quand je perdais ou gagnais à des jeux avec mes amis. J’étais furieux quand on m’obligeait à travailler alors qu’on m’avait promis que je pourrais aller monter mon cheval Alzara. Mais, même lorsqu’on dut achever mon cheval après une mauvaise chute, mon seul chagrin naquit de la pensée qu’il me serait difficile d’en trouver un autre aussi rapide et bien dressé. Ma nourrice, Doha, m’a donné le sein à la place de ma mère et a été à mes côtés à chaque instant de mon enfance. Elle qui m’a certainement aimé autant que la mère la plus aimante qui soit est morte l’année de mes treize ans. Elle était si bonne que tout le monde pleura lors du rituel du Grand Passage. Tout le monde, sauf moi. Je ressentis une certaine tristesse à l’idée de ne plus jamais la voir, mais cette peine était purement égoïste. Doha me rappelait les bons souvenirs de mon enfance et je versai quelques larmes sur eux plutôt que sur elle. En me voyant ainsi peiné, certains 9 crurent que mon cœur s’était réchauffé. Mais quand, au terme de la cérémonie, je partis d’un grand éclat de rire et manifestai mon impatience de passer à table, tous comprirent qu’il n’en était rien : mon cœur restait de glace. Je possédais tout, mais il me manquait l’essentiel. Comme j’allais le découvrir plus tard, l’amour est le parfum et la saveur de la Vie. Et même si son goût est parfois amer, il donne à l’existence sa beauté, sa chaleur et sa magie. 10 2 Le mauvais sort L’amour nous rend vulnérable et dépendant des autres. Mais c’est une merveilleuse vulnérabilité sans laquelle aucun bonheur profond n’est possible. Parmi les enfants qui m’entouraient, je me souviens d’Eliona, la seconde fille de ma nourrice qui avait eu quatre enfants. Elle était née neuf jours avant moi et nous avions partagé le lait de sa mère. Nous sommes restés très proches pendant la petite enfance, jusqu’à ce que je préfère jouer avec des garçons à des jeux plus virils. Eliona en fut peinée, mais ne le confia jamais à quiconque. Au fur et à mesure de mon éloignement, je vis cependant ses beaux yeux noirs se voiler de tristesse. C’est alors que je compris véritablement ma différence. Je venais d’avoir sept ans. J’allai trouver mon père et lui demandai pourquoi je n’avais jamais éprouvé ce sentiment qu’on nomme « amour ». Pourquoi l’absence de mes proches ne me faisait jamais souffrir ? Mon père me prit sur ses genoux – et je crois me souvenir que c’est la dernière fois qu’il fit ce geste –, comme si la révélation qu’il allait faire devait mettre un terme au monde insouciant de mon enfance. « Mon fils bien-aimé, je dois t’apprendre quelque chose que nous t’avons jusqu’à présent caché. Peu de temps avant ta naissance, j’ai fait enfermer dans la tour noire une sorcière qui avait causé la mort de plusieurs de nos gens. À la fin de son procès, elle promit de se venger et jeta un sort à ma tendre épouse, ta mère, qui siégeait à mes côtés, enceinte de toi. La sorcière lui prédit la mort lors de son accouchement et affirma que l’enfant à venir ne connaîtrait jamais le plus beau de tous les sentiments : l’amour. Hélas, sa funeste prédiction se réalisa et lorsque tu vins au monde, ma joie fut terriblement assombrie par la mort de ta mère. 11 « Mon fils bien-aimé, je dois t’apprendre quelque chose que nous t’avons jusqu’à présent caché. » « Puis, alors que tu n’avais que quelques jours, on vit ton cœur irradier d’une douce lumière à travers ta fine peau de bébé. Je demandai à Sarman le guérisseur une explication. Il t’observa attentivement et m’expliqua qu’une fine coque de cristal s’était formée autour de l’organe vital, ce qui expliquait la pureté de son éclat. Sarman ajouta que le cristal maintiendrait 12 ton cœur gelé et l’empêcherait de vibrer. Je lui demandai s’il était possible de briser cette prison de verre, mais il me répondit que ce serait une opération trop périlleuse, car le moindre éclat pourrait mortellement blesser ton cœur. Seul son réchauffement intérieur pourrait faire fondre sa gaine et le libérer. Mais comment faire ? « Je réalisais par la suite, en te regardant grandir, que tu étais, en effet, bien différent des autres enfants. Tu semblais te suffire à toi-même et être peu affecté par les relations avec tes proches. Tu accueillais de manière presque indifférente l’affection qu’on te portait et tu n’en offrais jamais. Et cela, mon fils, se vérifie uploads/s3/ coeur-de-cristal.pdf

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