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Tous droits réservés © Revue Intermédialités, 2010 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 02/25/2023 4:27 a.m. Intermédialités Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques Intermediality History and Theory of the Arts, Literature and Technologies Nouvelles formes d’art et d’expérience esthétique dans une culture en transit : les promenades de Janet Cardiff Walter Moser Number 15, printemps 2010 exposer displaying URI: https://id.erudit.org/iderudit/044684ar DOI: https://doi.org/10.7202/044684ar See table of contents Publisher(s) Revue Intermédialités (Presses de l’Université de Montréal) ISSN 1705-8546 (print) 1920-3136 (digital) Explore this journal Cite this article Moser, W. (2010). Nouvelles formes d’art et d’expérience esthétique dans une culture en transit : les promenades de Janet Cardiff. Intermédialités / Intermediality, (15), 231–250. https://doi.org/10.7202/044684ar Article abstract This essay observes the intensification of mobility within contemporary culture through its physical (locomotion) and media-based (mediamotion) dimensions. New artistic practices emerge from the interaction with this cultural condition, notable examples beeing Janet Cardiff’s audio-visual walks. By focusing on the sculptural sound track and the visual apparatus in her piece Conspiracy Theory (2002), the author examines the aesthetic experience of mobility in which the wanderer is involved. It shows that this experience draws from the ambient culture while still building a cognitive and critical space in relation to it. 231 intermédialités • no 15 printemps 2010 Nouvelles formes d’art et d’expérience esthétique dans une culture en transit : les promenades de Janet Cardiff WALT E R MOS E R J e soutiendrai ici qu’une des caractéristiques de la situation culturelle contem- poraine réside dans sa grande mobilité et instabilité, et que certaines nouvelles formes d’art et des modalités de création artistiques captent, reflètent et donnent à penser cette caractéristique de notre culture. Je propose la métaphore épistémique de « culture en transit » pour désigner la dynamique culturelle dont nous faisons l’expérience quotidiennement, et qui a comme contrepartie une fragilisation des cultures traditionnelles et des identités établies. Tributaire de ce qu’on désigne communément aujourd’hui par « mondialisation », cette dynamique-et-fragilité, mobilité-et-instabilité s’accentue sous l’impact d’un ensemble complexe de facteurs, dont les flux migratoires, la logique économique capitaliste, la commercialisation de la culture, les restructu- rations politiques, les nouvelles technologies de télécommunication et d’archivage et les nouveaux médias. Pour des besoins d’analyse, j’identifierai deux types de mouvements partici- pant de cette culture en transit : la locomotion et la médiamotion1. Le terme de « locomotion » réunit l’ensemble des phénomènes et impacts culturels provoqués par la grande mobilité des personnes dans le monde contemporain, qu’il s’agisse de mobilité librement choisie ou forcée. Déplacement, dislocation, migration, fuite : il est question ici en premier lieu du mouvement physique des êtres 1. J’ai élaboré ce cadre théorique dans mon texte « La culture en transit : loco motion, médiamotion, artmotion », Gragoatá, n° 17, 2004, p. 25-41. 232 n ouv e lle s fo rm e s d’a rt e t d’e xpér ienc e est h ét iqu e humains. Ce mouvement a toujours existé, mais il paraît évident qu’il a sensi- blement augmenté et s’est intensifié dans le monde contemporain. On réunira sous le terme de « médiamotion » l’ensemble des mouvements qui ont leur moteur dans les médias. De nos jours, la situation type au quotidien étant une personne assise devant un écran, le corps humain peut rester immobile : c’est le monde médiatisé qui est en mouvement sur l’écran et qui peut être capté, en médiation symbolique, par l’appareil sensoriel de l’être humain. Le « multi- média », sur support numérique, a aujourd’hui intensifié ce type de mobilité qui n’était, cependant, pas étranger à des médias plus traditionnels : livre, presse écrite, téléphone ou radio. Il procure des effets paradoxaux : le contact à distance, l’immédiateté de ce qui est médiatisé, l’instantanéité de l’ici et là. Ces deux types de mobilité font partie de la situation culturelle contem- poraine, la déterminent même à certains égards, et se combinent dans bien des contextes quotidiens : tout automobiliste roulant avec la radio allumée, tout flâneur métropolitain (surtout celui muni d’un baladeur, d’un iPod et/ou d’un téléphone cellulaire) participe aujourd’hui de ces deux types de mouve- ment. En parallèle, dans la production artistique, nous assistons aujourd’hui au développement de formes et de genres artistiques qui se trouvent dans une relation d’interaction et de com-possibilité avec la culture en transit. Je pense en particulier à certaines formes de performances, et d’installations, par exemple à certaines œuvres (le terme est-il encore adéquat ?) de Jana Sterbak, de Gary Hill, de Bill Viola, de Shirin Neshat, et de bien d’autres. LES PROMENADES DE JANET CARDIFF Mais je pense plus particulièrement à un genre nouveau, développé il y a une vingtaine d’années par l’artiste canadienne Janet Cardiff, en collaboration avec George Bures Miller : les « promenades » (walks) sur lesquelles je me concentrerai dans ce qui suit. Janet Cardiff n’a pas créé que des « promenades », loin de là : elle est également connue pour des installations telles que The Whispering Room (1991), To Touch (1993), The Dark Pool (1995), Fourty Part Motet (2001), The Paradise Institute (2001) et plus récemment The Killing Machine (2007)2. C’est en 1991 qu’elle a commencé à développer une forme d’œuvre d’art tout à fait originale : le walk ou walking piece, appelé « promenade » en français. Voici comment Carolyn Christov-Barkagiev décrit ce nouveau genre artistique : 2. The Whispering Room et Fourty Part Motet, installations sonores, comportent déjà l’élément de la déambulation, mais la médiation technique du son est fixe (haut-parleurs sur tiges) et on se « promène » dans le lieu restreint de l’installation ; l’accès est collectif. 233 n ouv e lle s fo rm e s d’a rt e t d’e xpér ienc e est h ét iqu e Cardiff’s walks are time-based fictional works that are experienced by participants who don a headset attached to a Discman or DV Walkman and follow pre-recorded instructions that lead them into open-ended and ambiguous narratives. Her own voice features prominently in these haunting works as she guides her audience on routes that take them to unexpected places both indoors and out3. Janet Cardiff a commencé sa production en 1991, avec des promenades exclusivement auditives : un promeneur équipé d’une espèce de baladeur reçoit des écouteurs alimentés par une bande sonore portable. Guidé par la voix de Janet Cardiff enregistrée sur ce support médiatique, il fait une promenade dont le déroulement et le parcours sont pré-programmés. Ainsi combine-t-il la déambu- lation dans un site réel en temps réel, site qui offre son propre bruitage, avec l’écoute de la bande sonore qui, en plus de le guider, l’enveloppe dans un monde sonore fictionnel d’une grande intensité et complexité. L’artiste a choisi des sites dans plusieurs pays pour ses promenades : 1991 Forest Walk (Banff, Canada) 1991 Bathroom Stories (Lethbridge, Canada) 1992 An Inability to Make a Sound (Halifax, Canada) 1996 Louisiana Walk (Danemark) 1996 I’ve Been Waiting for You (Los Angeles, États-Unis) 1997 Münster Walk (Münster, Allemagne) 1997 Chiaroscuro I (San Franciso, États-Unis) 1998 Villa Medici Walk (Rome, Italie) 1998 Wanas Walk (Knislinge, Suède) 1998 Drogan’s Nightmare (São Paulo, Brésil) 1998 Mallin’s Night Walk (Pound Ridge, New York, États-Unis) 1999 Missing Voice (Case Study B) (Londres, Grande-Bretagne) 1999 MoMA Walk (New York, États-Unis) 1999 Waterside Walk (Harmondsworth, Grande-Bretagne) 1999 Sleepwalking (New York, États-Unis) 1999 In Real Time (premier audio-visual Walk) (Pittsburg, États-Unis) 2000 A Large Slow River (Ontario, Canada) 3. Carolyn Christov-Bakargiev, Janet Cardiff. A Survey of Works Including Colla- borations with George Bures Miller, New York, P.S. 1 Contemporary Art Center, 2001, p. 15. On consultera également le livre (avec CD) de Janet Cardiff, The Walk Book, Cologne, Walther König, 2005, et le film documentaire de Wiebke von Carolsfeld : Walk with us. The Collaborative Works of Janet Cardiff and George Bures Miller, 2005. 234 n ouv e lle s fo rm e s d’a rt e t d’e xpér ienc e est h ét iqu e 2000 Taking Pictures (St. Louis, États-Unis) 2001 The Telephone Call (San Francisco, États-Unis) 2001 P.S. 1 Walk (New York, États-Unis) 2001 Ittingen Walk (Warth, Suisse) 2002 Conspiracy Theory (Montréal, Canada) 2004 Her Long Black Hair (New York, États-Unis) 2005 Ghost Machine (Berlin, Allemagne) 2005 Words Drawn in Water (Washington, États-Unis) 2006 Jena Walk (Memory Field) (Jena, Allemagne)4 À partir de 1996, elle a commencé à complexifier les promenades en y ajoutant une bande vidéo. Le promeneur est alors muni, en plus des écouteurs, d’un appareil vidéo numérique dont le moniteur offre une image mobile tout au long de la promenade. Une partie des didascalies pour guider le promeneur est désormais transférée du média sonore au média visuel. Dans ce qui suit, uploads/s3/ nouvelles-formes-d-x27-art-et-d-x27-experience-esthetique-dans-une-culture-en-transit-les-promenades-de-janet-cardiff.pdf

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