241 LE PROCESSUS DE LA TRADUCTION Bouziane Ratiba Université de Sidi Bel Abbés
241 LE PROCESSUS DE LA TRADUCTION Bouziane Ratiba Université de Sidi Bel Abbés Il convient tout d'abord de faire rappeler que la vision adoptée dans notre étude, et qui consiste à considérer l'acte de traduction comme un acte de communication (interculturelle), s'inscrit dans l'approche dite "interprétative" de l'Ecole française, représentée par l' E.S.I.T (Ecole Superieure Des Interpretes Et Traducteurs À Paris). Cette approche, propose un schémas de la traduction, que nous essayerons de détailler ci-dessous ; il s'articule en trois étapes : compréhension, déverbalisation, et réexpression : «La traduction interprétative se caractérise par trois étapes (...) : lecture- déverbalisation- réexpression du sens. ». Nous reprenons ici la schématisation qu'en fait Yamina HELAL pour mieux l'illustrer : 1. La compréhension : La traduction serait donc comparable à la reformulation des signes au moyen d'autres signes, que nous faisons toujours au sein de la même langue ; une « traduction intralinguale » comme préfère l'appeler Jakobson. Or, nous ne reformulons que ce que nous avons compris;cela va de soi.Qu'entendons-nous alors par Compréhension ? Si l'on se rapporte à Marianne LEDERER, l'auteur du modèle interprétatif, la compréhension dans ce sens serait : « faire appel à une compétence linguistique et, simultanément, à un savoir encyclopédique ». Selon notre auteur, l'appel à ces deux "compétences" relève exactement de la nature de la composante du texte à comprendre ; il s'agit en effet de « deux composantes, linguistique et Conceptualisation-déverbalisation Texte en L.S Texte en L.C Figure N° : 01 242 encyclopédique ». un texte fait référence à un monde irréductible la forme linguistique. a) La composante linguistique : Qu'il s'agisse de textes écris ou de discours parlés, la première matérialité qui s'offre à notre perception, c'est cet ensemble de signes mis en forme graphique ou phonique, que nous avons appris, par le biais de l'enseignement, à déchiffrer et à en faire une association avec leurs références dans le monde extérieur ; il s'agit tout simplement de la langue. Seulement il est question, pour la traduction, de deux langues ; et c'est là que surgît l'autre revers de la compréhension : la parfaite connaissance de la langue cible : « Les connaissances linguistiques du traducteur font partie de son bagage cognitif et sont bien entendu indispensables à la compréhension des textes et leur réexpression. » En matière de traduction, la compréhension dépendra donc de la qualité des connaissances linguistiques dans la langue source, pour pouvoir saisir le sens, et dans la langue cible, pour pouvoir ré- exprimer. Nous présentons ici le titre d'un article de chronique, qui a été traduit par des étudiants de 4eme année traduction : • Une femme et l'escroquerie de l'année : Une première correction de ces traductions ne peut induire qu'un seul jugement : la traduction littérale de l'expression a faussé complètement le sens de la phrase. Certes, il s'agit de traductions littérales, mais pourquoi le recours à ce procédé alors qu'il existe une large palette de choix d'expression en langue arabe ? Après consultation auprès des étudiants et discussion sur le sens de la phrase, d'abord dans la langue source, il s'est avéré que le mot Escroquerie est monosémique pour les étudiants, il signifie "Vol", dans tous les contextes, alors qu'il peut être nuancé de différentes manières, selon l'intention du locuteur et selon le contexte de la locution. Mais ceux qui l'ont traduit par , n'ont pas pu ré exprimer l'idée d'une escroquerie qui a marqué l'année. Rappelons ici qu'une catégorie de bons étudiants ont exigé l'intégralité du texte pour comprendre les connotations du titre, mais le 243 teste consistait justement à les priver de ce contexte pour vérifier leur aptitude à contextualiser à partir de leurs connaissances sur la langue. L'absence de ce CONTEXTE, lorsqu'elle s'ajoute à un déficit linguistique, donne des catastrophes comme suit : Quand la ponctualité est à l'honneur : b) La composante métalinguistique : Ainsi les langues nous servent d'outils pour représenter le monde. Mais le monde est plein de détails qu’il est quasiment impossible de tous les reproduire, chaque fois que nous voulions exprimer ; c'est pourquoi nous nous bornions à en faire allusion ou même faire omission. Ce qui en reste et nous sert à comprendre l'explicite, ce sont des implicites, des sous-entendus et des présupposée : « ils sont indissociables de la connaissance de la langue et ont leur importance, car ils ont une incidence sur le sens des textes au même titre que l'explicite linguistique. » En situation de communication, la parole est nécessairement elliptique ; la saisie du sens y est de nature déductive. C'est un principe d'économie ; faute de quoi nos communications seraient impossibles : « Nous apprenons à mouler notre parole dans les formes du genre et, entendant autrui, nous savons d'emblée, aux tout premiers mots, en pressentir le genre, en deviner le volume, la structure compositionnelle donnée, en prévoir la fin. Autrement dit, dés le début nous sommes sensibles au tout discursif (...) Si les genres de discours n 'existaient pas et si nous n 'en avions pas la maîtrise, et qu'il nous faille les créer pour la première fois dans le processus de la parole, qu'il nous faille construire chacun de nos énoncés, l'échange verbal serait impossible.» Le métalinguistique implique indubitablement les charges culturelles de la langue actualisées par des expressions figées, des expressions idiomatiques, ou par des noms communs ayant une relation directe avec l'événement en question. Ainsi, l'absence de certains événements culturels de la langue source dans la culture cible, en plus de la méconnaissance de ces événements par le traducteur, mène à une traduction littérale donnant un non-sens. L'exemple ci-après, traduit par des étudiants de 4eme année, en est très significatif. • Fêter la saint valentin 244 Au lieu de procéder par une modulation, opérant sur l'allusion, ou pour ainsi dire, la connotation du nom de Valentin (Saint), c'est-à-dire , les étudiants ont traduit mot à mot et mot par mot ; le résultat est un faux sens. 2. L'interprétation (déverbalisation) : Compréhension et interprétation sont en réalité indissociables, elles sont deux revers du langage en situation de communication : « comme, en situation de communication, la parole est nécessairement elliptique, toute compréhension est interprétation. » Car ce qui reste en mémoire ce sont des idées, des fragments « d'unités de sens » dépouillées de leur forme verbale, d’où le terme « déverbalisation . « La déverbalisation est un processus cognitif que nous connaissons tous: les données sensorielles deviennent, en s'évanouissant, des connaissances dévêtues de leur formes sensibles ».0 De la sorte, et avant de procéder à re-'mettre' cette forme dans la langue cible, le traducteur passe d'abord par cette phase de déverbalisation, qui lui permet de mémoriser le contenu sous formes réductibles d'unités de sens. 3. La réexpression (reverbalisation) : De son nom déjà s'annonce le sens. La reverbalisation est le processus par lequel le traducteur redonne forme aux idées "comprises", auxquelles il avait ôté la forme verbale. Il ré- exprime les mêmes idées par les signes linguistiques et les structures de la langue cible. D'après le traductologue canadien, Jean DELISL, spécialiste Didactique de la traduction, ce processus se présente comme suit : « ...après avoir isolé les idées (...), il [le traducteur] procède à une exploration analogique des ressources de la langue d'arrivée afin de découvrir des signes linguistiques capables de recouper ces idées. » Les exemples sont parfois plus explicites que les longs commentaires. Ci-après une traduction faite par des étudiants de 4eme année : • Un taux d'absentéisme de 3,7% relevé : %3,7 %3,7 %3,7 245 La phrase ne représente aucune difficulté au niveau de sa structure, ni au niveau sémantique ou lexical ; cependant, beaucoup d'étudiants ont hésité entre et , ils savent et comprennent très bien que le mot Absentéisme ne signifie pas le fait d'être absent une ou plusieurs fois ; mais d'être fréquemment absent d'un lieu (notamment du lieu de travail), de ne pas participer à une activité, etc., l'absentéisme scolaire par exemple ; c'est leur niveau de rédaction n langue arable qui leur a fait défaut. Bibliographie 1. LEDERER, M. la traduction aujourd’hui : le modèle interprétatif, HACHETTE, paris, 1994, P 113. 2. Cf, OUSTINOFF, M. Op, Cit, p 68. 3. Op. Cit, p 32 4. Idem. 5. Ibid, p 33. 6. Ibid, p 34. 7. BAKHTINE, M., In : MAINGUENEAU, D., Analyser les textes de communication, Paris : NATHAN, 2000, p 49. 8. HELLAL, Y., Op. Cit, p 120-12. 9. LEDERER, M., Op. Cit, p 23. 10.DELISLE, Jean, L’analyse du discours comme méthode, P.U. d’Ottawa, 1980, pp 81-82. uploads/s3/ le-processus-de-la-traduction-pdf 1 .pdf
Documents similaires










-
42
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 23, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0335MB