L’ENSEIGNEMENT DE DAVID HALIVNI : ` A L’´ ECOUTE DES STAMMA¨ IM DANS LE TALMUD

L’ENSEIGNEMENT DE DAVID HALIVNI : ` A L’´ ECOUTE DES STAMMA¨ IM DANS LE TALMUD BABLI Florian Deloup Wolfowicz Table des mati` eres 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2 Les interpr´ etations « forc´ ees » dans le Talmud . . . . . . . . . 5 2.1 Les difficult´ es du texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 2.2 Dyouq et doh . aq dans le Talmud . . . . . . . . . . . . . 6 2.3 Sensibilit´ e au sens simple . . . . . . . . . . . . . . . . 10 3 Historicit´ e et contemporan´ eit´ e du texte . . . . . . . . . . . . 13 4 Les Stamma¨ ım . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 4.1 La question de l’attribution du mat´ eriel dialectique . . 15 4.2 Rav Achi et Ravina, fin de la hora’ah . . . . . . . . . 17 4.3 L’œuvre des Stamma¨ ım . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 5 Autorit´ e, canonicit´ e et ouverture s´ eminale . . . . . . . . . . . 22 6 L’´ etude pharisienne apr` es la destruction . . . . . . . . . . . . 26 7 Une br` eve bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 1 1 Introduction La tradition juive est fond´ ee sur une œuvre collective de sages juifs sur plusieurs si` ecles, le Talmud. Texte riche et dense, qui touche ` a une vari´ et´ e extrˆ eme de sujets, il constitue le socle de la vie juive traditionnelle avec toutes ses ramifications l´ egales, spirituelles et philosophiques. Le Talmud tel qu’il se pr´ esente ` a nous aujourd’hui est constitu´ e de deux parties distinctes, ` a la fois sur le plan historique et sur le plan l´ egal : la Michnah, qui est un code de lois qui contient peu d’explications, et la Guemara qui est un com- mentaire complexe sur la Michnah. La Michnah se constitua dans le si` ecle qui suivit la destruction du Temple, tandis que la Guemara qui r´ eagit ` a la Michnah, la suppl´ emente, la discute et l’explicite, fut ´ elabor´ ee pendant plu- sieurs si` ecles. Tels sont les premiers ´ el´ ements, massifs, de la tradition juive rabbinique qui fut finalement ´ ecrite et dont le caract` ere oral se poursuit n´ eanmoins jus- qu’` a nos jours par l’´ etude par la plupart des juifs traditionnels. Parmi les recherches contemporaines sur le Talmud, l’œuvre de David Halivni occupe une place ` a part. Encore peu connue en France, elle a pour- tant renouvel´ e en profondeur notre compr´ ehension du Talmud et en particu- lier, l’´ etude de la sougya, l’unit´ e textuelle discursive de la Guemara. L’œuvre de David Halivni est l’œuvre de toute une vie, litt´ eralement consacr´ ee ` a l’´ etude du Talmud. L’ouvrage majeur de David Halivni est un commentaire en h´ ebreu en cours, en plusieurs volumes, sur le Talmud, intitul´ e Meqorot OuMessorot (Sources et Traditions) 1. Nuanc´ ee et ´ erudite, la th` ese de David Halivni s’´ enonce peut-ˆ etre le plus simplement sous sa forme historique : 1. L’essentiel de la constitution du Talmud, en tant que texte, fut l’œuvre de sages anonymes – qu’il appelle Stamma¨ ım (stamma ´ etant le terme aram´ een pour anonyme) – qui œuvr` erent ` a partir du sixi` eme si` ecle2. 2. Les Stamma¨ ım ne disposaient pas de toutes les sources n´ ecessaires 1Sont parus ` a ce jour sept volumes. Le premier volume est paru en 1968, le dernier est paru en 2008. Dans la suite du texte, nous indiquons les r´ ef´ erences ` a cet ouvrage par son titre en fran¸ cais, Sources et Traditions, suivi du nom du trait´ e talmudique comment´ e. Voir la bibliographie en fin d’article. 2Cette th` ese se trouve formul´ ee pour la premi` ere fois dans Sources et Traditions, Seder Moed, De Yoma ` a H . aguigah, J´ erusalem, 1974. 2 ` a l’´ elaboration de la Guemara. En cons´ equence, n’ayant pas devant eux l’ensemble des textes, ils durent reconstruire les discussions et les d´ ebats ` a partir du mat´ eriel lacunaire dont ils disposaient. 3. L’int´ erˆ et pour le discursif et le d´ esir de conserver les discussions et les d´ ebats, absents pour l’essentiel de la Michnah, se d´ eveloppa ` a l’´ epoque des Stamma¨ ım, mais ´ etaient fond´ es sur un pr´ ec´ edent dans l’histoire juive qui est le Midrach, l’exposition d’un verset suivi de son commen- taire et de son implication l´ egale ou spirituelle. Cette th` ese diff` ere du point de vue juif traditionnel selon lequel la Gue- mara – et avec elle l’ensemble du Talmud – se clˆ ot avec les derniers Amora¨ ım (sages qui v´ ecurent apr` es la r´ edaction de la Michnah) au cinqui` eme ou sixi` eme si` ecle. Elle s’oppose aussi au point de vue traditionnel selon le- quel tous les d´ etails des arguments ´ etaient m´ eticuleusement conserv´ es par les sages. Selon David Halivni, « entre le Talmud et nous se tiennent les Stamma¨ ım ». Pour comprendre le poids de cette affirmation, esquissons quelques-uns des ´ el´ ements historiques de la formation du Talmud. La Michnah, qui compose la premi` ere strate du Talmud, est un code de lois con¸ cu dans le si` ecle turbulent qui suivit la destruction du Temple de J´ erusalem. C’est la premi` ere fois dans l’histoire juive que les lois sont conserv´ ees pour la post´ erit´ e par th` emes, selon un ordre prescrit et presque sans justification. Cette forme tout ` a fait nouvelle tient au prestige d’une figure exceptionnelle, Rabbi Yehoudah HaNassi. Il prit la d´ ecision de ras- sembler une partie des enseignements des Tanna¨ ım sous forme de Michnah. Sous son autorit´ e, sa Michnah devint le code de lois qui s’imposa ` a l’en- semble du monde juif. Les sages de la g´ en´ eration suivante, les Amora¨ ım, ne poursuivirent pas le d´ eveloppement de la Michnah ; ils ne cess` erent de l’´ etudier et de la commen- ter, avec une ´ erudition insurpass´ ee. Mais leur propre formulation des lois ne fut pas int´ egr´ ee ` a la Michnah. La Guemara, qui constitue la seconde strate du Talmud, n’a pas ´ et´ e r´ edig´ ee sous l’autorit´ e d’une figure telle que Rabbi Yehoudah HaNassi, mˆ eme selon le point de vue traditionnel3. La Guemara est beaucoup plus poly- 3Ce que par exemple, une ´ etude approfondie de T. B. Guittin 59a et de sa version parall` ele dans T.B. Sanhedrin, 36a, permet de montrer. Voir Sources et Traditions, Baba 3 morphe et versatile que la Michnah ; la densit´ e et la multiplicit´ e du texte lui-mˆ eme lui conf` erent un caract` ere unique. Elle contient les enseignements des Amora¨ ım, mais de mani` ere beaucoup plus discursive et parsem´ ee que ceux des Tanna¨ ım dans la Michnah. Selon David Halivni, les Tanna¨ ım comme les Amora¨ ım ne conservaient de mani` ere officielle et scrupuleuse que les arrˆ et´ es de la loi. Leurs successeurs, les Stamma¨ ım, s’attel` erent ` a la tˆ ache de trouver les arguments dialectiques menant aux conclusions l´ egales. Ne disposant pas de source officielle, ils durent compl´ eter, reconstruire et conjecturer ` a partir du mat´ eriel lacunaire dont ils disposaient. Selon la belle formule de David Halivni, les Stamma¨ ım sont les architectes du Talmud. (Mˆ eme s’ils ne percevaient certainement pas leur tˆ ache de cette mani` ere, du fait que l’autorit´ e venait de la g´ en´ eration ant´ erieure.) Les Stamma¨ ım sont responsables de la prise de conscience que le discur- sif, le moyen d’arriver ` a une conclusion l´ egale est tout aussi important que la d´ ecision l´ egale elle-mˆ eme. David Halivni, qui postule leur existence ` a partir de nombreux ´ el´ ements, tir´ es de sa connaissance intime du texte talmudique, leur consacre donc une attention - et peut-on dire, une admiration - toute particuli` ere. Leur tˆ ache, en effet, est monumentale. Fid` ele ` a la m´ ethode des Stamma¨ ım, David Halivni cherche alors uploads/s3/ l-x27-enseignement-de-david-halivni-a-l-x27-ecoute-des-stammaim-dans-le-talmud-babli.pdf

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