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ANNE VEITL LA CHUTE DES NOTES Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l'acousti

ANNE VEITL LA CHUTE DES NOTES Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l'acoustique et la musique (1961-1971) Récit et analyses Internet www.tscimuse.org LA CHUTE DES NOTES Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l'acoustique et la musique (1961-1971) Jean-Claude Risset a obtenu en 1999 l'une des plus impor- tantes distinctions attribuées en France à un chercheur scienti- fique : la médaille d'or du CNRS. En 1990, il s'était vu décerner le Grand prix national de la musique. Son double profil, scienti- fique et artistique, était ainsi reconnu. Pourtant, la grande originalité de Jean-Claude Risset, né en 1938, n'est pas tant d'avoir concilié, à un très haut niveau, le métier de chercheur et un parcours de musicien ; elle réside plutôt dans la manière dont ses deux activités professionnelles se sont nourries l'une l'autre. Cela n'est pas allé de soi. Tout s'est joué au cours des années 1960 quand Jean-Claude Risset, physicien, est parvenu, après bien des tâtonnements, à mener des recherches en lien avec ses projets de compositeur, et réciproquement. Relier ainsi l'art et la science a été possible grâce aux technologies. Jean-Claude Risset a été un des premiers au monde à recourir à des ordina- teurs pour pratiquer la composition musicale. Ce livre raconte et analyse les dix années décisives de la vie de Jean-Claude Risset, au cours desquelles, à l'aide de l'informa- tique, il a métamorphosé l'acoustique et la musique. Une même question est alors au centre de ses recherches scientifiques et de ses musiques, celle de l'identité des sons. Il a étudié, produit et composé avec l'ordinateur les sons d'instruments de musique existant, mais aussi des développements sonores et musicaux inouïs. Anne Veitl, née en 1966, s'intéresse, depuis une vingtaine d'années, à l'histoire et à l'actualité des relations entre les technologies, les sciences et la composition musicale. Elle a publié plusieurs ouvrages et articles sur cette question, ainsi que sur les politiques publiques en faveur de la musique. LA CHUTE DES NOTES Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l'acoustique et la musique (1961-1971) Pour mon frère Philippe Veitl (1963-2006) qui ouvrait les chemins et grand les fenêtres Livre électronique diffusé gratuitement Réalisation : Anne Veitl Deuxième édition, octobre 2008 (légères corrections de la première version) Première édition : 15 septembre 2008 Internet, www.tscimuse.org SOMMAIRE INTRODUCTION A la recherche d'identités : 1961-1971, la décennie-clef………………….7 CHAPITRE 1 Entrer en musique (1961-1964)……………………………………………………...15 CHAPITRE 2 Mais où et comment pratiquer la recherche musicale ? (1962-1963)……………………………………………..31 CHAPITRE 3 L'Amérique : l'ordinateur, instrument de musique et de composition (1964-1965)……………………………….…47 CHAPITRE 4 Un son est ce qu'il devient (1965-1967)……………………………………..….67 CHAPITRE 5 La chute des notes (1967-1969)………………………………………………..……79 CONCLUSION Tenter de transmettre et d'instituer (1969-1971)…………….…………..97 SOURCES…………………………………………………………………………………………….105 LES TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE JEAN-CLAUDE RISSET PENDANT LES ANNEES 1960…………………………….……109 LES COMPOSITIONS MUSICALES DE JEAN-CLAUDE RISSET PENDANT LES ANNEES 1960………………………………….113 LA FORMATION ET LE PARCOURS PROFESSIONNEL DE JEAN-CLAUDE RISSET : REPERES CHRONOLOGIQUES………………………….…….117 GLOSSAIRE………………….…………………………………………………….………………..119 TABLE DES MATIERES………………………………………………………………….…………123 REMERCIEMENTS Les travaux de recherche préalables à la rédaction de ce livre ont été réalisés grâce aux soutiens financiers du ministère de la Culture, de la SACEM et de la Fondation Singer-Polignac. Et tous mes remerciements à celles et ceux qui m'ont soutenue ces dernières années. - 7 - INTRODUCTION A la recherche d'identités : 1961-1971, la décennie-clef 1961-1963… : PREMIERES ET DOUTES Le sud de la France, à Marseille, le lundi 22 juillet 1963 en soirée, l'orchestre régional de la Radiodiffusion-télévision française (RTF), sous la direction de Pierre Pagliano, joue en première audition publique la pièce Fantaisie de Jean-Claude Risset. Le concert a lieu dans le grand studio de la station marseillaise de la RTF. Il est donné dans le cadre de l'académie d'été de musique qu'organise chaque année depuis 1959 le com- positeur André Jolivet dans la ville voisine d'Aix-en-Provence. Jean-Claude Risset est un de ses élèves, il a vingt-cinq ans. Fantaisie est son opus numéro 1. Les qualités de l'oeuvre sont appréciées et remarquées par les professionnels de la musique présents dans le public. Jean- Claude Risset reçoit de nombreux encouragements, mais lui vit cette première de manière contrastée. Il ressent des sentiments mêlés d'insatisfaction et d'enchantement à l'écoute de sa pièce. Il trouve très décevante l'interprétation des passages les plus - 8 - difficiles à jouer et, en même temps, il considère comme vérita- blement magiques certains des résultats sonores obtenus. Plus que par un style particulier, cette Fantaisie d'une durée de cinq minutes se singularise en effet par la richesse des timbres que Jean-Claude Risset est parvenu à composer orchestralement. Pour tout artiste, la première présentation publique de son opus numéro 1 est un moment doublement marquant. Dans la vie de Jean-Claude Risset, ce concert du 22 juillet 1963 est un événement biographique d'autant plus important et mélangé qu'il advient peu de temps après d'autres changements déter- minants. Jean-Claude Risset vit cette soirée mitigée de recon- naissance et de déception après un grand tournant dans son existence : la décision de réorienter nettement ses activités pro- fessionnelles. En 1963, statutairement, Jean-Claude Risset est chercheur au CNRS. Après des études de sciences physiques à l'Ecole normale supérieure située rue d'Ulm à Paris et l'obtention de son agréga- tion en 1961, il a commencé une thèse de doctorat dans le domaine de la physique atomique. Depuis l'enfance, parallè- lement à sa scolarité et à ses études supérieures, il a toujours poursuivi l'apprentissage de la musique et du piano. Le niveau de jeu auquel il est parvenu dans la pratique de cet instrument est très élevé, assez pour qu'il envisage une carrière d'interprète. Dès l'adolescence, il s'est essayé aussi à la composition. Cepen- dant, jusqu'en 1962-1963, les deux passions de Jean-Claude Risset, les sciences et la musique, ne s'entrecroisent pas. Il n'imagine d'ailleurs même pas que cela puisse être possible, d'autant plus que, comme souvent, il doute intérieurement et demeure très incertain sur ses projets professionnels et les différentes activités qu'il mène. L'incertitude profonde et les incessants questionnements intérieurs caractérisent de nombreux chercheurs scientifiques et artistes. Mais, à partir de 1961, les doutes identitaires que ressent Jean-Claude Risset à propos du présent comme de l'avenir deviennent particulièrement aigus. Il s'interroge sur la - 9 - poursuite de sa thèse et de sa carrière de physicien. Il souhai- terait se consacrer davantage à la musique, à la pratique du piano et à l'étude de la composition, quitte à démissionner du CNRS, ce à quoi il pense très sérieusement. …1969-1971 : DIFFICULTES ET RECONNAISSANCES En 1971, Jean-Claude Risset s'installe à Marseille. Il vient d'être nommé enseignant dans un nouveau centre universitaire pluridisciplinaire et expérimental qui présente l'originalité de combiner les sciences et les arts. Il prend la direction du Dépar- tement musique. Au tournant de 1970, Jean-Claude Risset a une trentaine d'années. Ce poste d'enseignant à Marseille est pour lui une opportunité très intéressante et motivante. Depuis 1969, il est chercheur dans le laboratoire scientifique, situé à Orsay, en région parisienne, où il était déjà entré en 1961 pour mener sa thèse de doctorat. Or il y rencontre des difficultés pour réaliser les projets qui sont désormais au centre de sa vie : non seule- ment mener un double parcours professionnel de chercheur en sciences physiques et de musicien, mais essayer d'articuler étroitement les deux domaines de la recherche scientifique et de la composition musicale. Alors qu'il songeait à renoncer à son métier de chercheur scientifique, Jean-Claude Risset est bien décidé, depuis 1962-1963, à combiner plus avant ses travaux au CNRS et ses intérêts musicaux. La réalisation de cette décision n'est cependant pas allée toujours de soi. Ces dernières années, de nombreux événements et moments de rupture se sont succédé dans son parcours pro- fessionnel. Ils ont amené Jean-Claude Risset à quitter la France et le centre de recherche où il menait sa thèse, et à aller participer, aux Etats-Unis, dans un laboratoire privé très réputé, les Bell Telephone Laboratories, aux travaux scientifiques les - 10 - plus en pointe dans une spécialité récente et totalement nou- velle. Depuis la deuxième moitié des années 1960, Jean-Claude Risset est devenu un des pionniers et un des principaux acteurs d'un domaine qui semble alors relever de la science-fiction : l'étude et la production de sons et de musique grâce aux ordina- teurs. Il apporte plusieurs contributions majeures à ce nouveau champ d'activité et il s'y affirme tout autant comme un grand scientifique d'envergure internationale, un musicien original et subtil, et même parfois comme un prestidigitateur ! A cette période, le recours à l'ordinateur pour générer des sons et les composer musicalement relève d'un monde plus vaste en constitution, qui se situe aux croisements de trois sec- teurs : les technologies, les sciences et les arts. TECHNOLOGIES, SCIENCES ET COMPOSITION MUSI- CALE Les relations entre les technologies, les sciences et la musique ont considérablement changé au cours du XXe siècle. Avec les moyens d'enregistrement et la radio, la diffusion et les pratiques d'écoute ont dans un premier temps été touchées. Puis le domaine de la composition musicale a été impliqué. Si une minorité de musiciens a d'abord été concernée, quelques com- positeurs, en s'appropriant différents types de dispositifs technologiques qui n'étaient a priori pas uploads/s3/ jean-claude-risset-la-chute-des-notes.pdf