1 L’enseignement du vocabulaire en classe de français langue étrangère (1) Aprè

1 L’enseignement du vocabulaire en classe de français langue étrangère (1) Après un rapide examen bibliographique, nous nous interrogerons sur la notion de « mot », et nous « revisiterons » la terminologie relative à cette notion, en fonction de ses divers angles d’approche. Le domaine est bien exploré depuis longtemps par les linguistes, mais peut-être n’est-il pas inutile d’en survoler rapidement le métalangage, ne serait-ce que pour vérifier quelle part de ce métalangage est, pour nous, pédagogiquement pertinente. Dans une deuxième partie, on abordera les questions relatives à la sélection et à la présentation du vocabulaire, au rapport entre mots et texte. On terminera par un inventaire de quelques activités proposées aussi bien par des praticiens que par des théoriciens en vue de réemployer les mots rencontrés en classe et, parallèlement, d’en évaluer l’apprentissage. Une remarque préliminaire : il sera peu question ici des aspects psychologiques de l’apprentissage : beaucoup de savantes recherches ont été et sont menées sur le sujet ; mais il ne nous semble pas que ces recherches aient déjà eu des retombées pédagogiques significatives ; d’une part, chacun s’accorde à reconnaître que nous savons encore très peu de choses sur le fonctionnement du cerveau en général, et sur celui de la mémoire en particulier ; et d’autre part, chacun de nous développe, semble-t-il, ses propres stratégies d’apprentissage, au point qu’il est encore très difficile, dans l’état actuel de nos connaissances, de théoriser, de généraliser, et de prétendre pouvoir agir sur des stratégies supposées – peut-être à tort - déficientes, voire néfastes. Tout au plus pouvons-nous, avec quelque bon sens, affirmer qu’un mot devra être présenté plusieurs fois aux élèves si nous voulons avoir quelque chance qu’il finisse par être fermement acquis, et donc recommander qu’une quelconque forme d’évaluation quant à l’acquisition de ce mot n’ait lieu qu’après une énième rencontre occasionnelle ou une « exposition » provoquée. Ces recherches confirment aussi ce que le bon sens, toujours lui, nous avait déjà soufflé, à savoir que les jeunes apprenants sont plutôt sensibles à la forme écrite et phonétique des mots, et les apprenants adultes à leur(s) sens. Cela dit, voyons donc ce qui s’est écrit d’intéressant sur le lexique et le vocabulaire ces dernières années. Une première observation nous a laissé perplexe : alors que ce sous-domaine de l’enseignement des langues étrangères semble avoir retrouvé depuis quelque temps la place qu’il avait momentanément perdue au cours de la période du communicativisme triomphant, c-à-d., grosso modo, les années 80, les Instructions Officielles pour le collège, - donc pour le français langue maternelle -, qui consacraient en 1986 quatre-vingt-cinq lignes au « vocabulaire », en détaillant, sur diverses pages, ce qui convenait à chacune des quatre classes, ne lui consacraient plus, en 1996, que les quatre lignes que voici, et ce, pour l’ensemble du cycle ! • Enrichissement du vocabulaire : en particulier du temps, de l’espace, des sensations. • Etude du mot : sens général et sens contextuel ; synonymes, doublets, antonymes ; composition des mots (préfixe, radical, suffixe) ; étymologie (racines grecques et latines appartenant notamment aux champs lexicaux du temps et du lieu, locutions empruntées au latin) ... et c’est tout ! Comparées aux précédentes Instructions, ces dernières laissent donc le professeur totalement « libre » d’imaginer les activités à mettre en œuvre pour atteindre L’enseignement du vocabulaire en classe de français langue étrangère 2 ces objectifs. Elles ne font par ailleurs plus la moindre mention de notions comme « groupements, champs, ou réseaux sémantiques », pas plus que de l’usage du dictionnaire. Espérons que, dans les Instituts de Formation Universitaires, les apprentis professeurs reçoivent de leurs formateurs des conseils un peu moins sibyllins. Retenons au moins que ces très brèves Instructions mettent, avec raison, l’accent sur les lexiques fondamentaux du temps et de l’espace. C’est assez nouveau pour être signalé. À un autre niveau, et en matière de langues étrangères cette fois, les professeurs disposent maintenant d’un nouveau document émanant du Conseil de l’Europe, qui s’intitule « Cadre Européen commun de référence pour l’apprentissage et l’enseignement des langues ». Passant en revue la totalité du domaine, les auteurs font l’inventaire des classes de mots et d’expressions figées, - aussi appelées « formules stéréotypées » -, abordent la question de la sélection lexicale, listent les moyens habituellement mis en œuvre pour développer la compétence lexicale, et, sans porter de jugement de validité, demandent seulement à l’utilisateur de justifier ses choix et ses démarches. On est loin du dogmatisme qui a pu prévaloir en d’autres temps, ce dont il faut se réjouir : en d’autres termes, c’est un peu « fais ce que voudras », à condition que tu nous dises pourquoi tu le fais, et, autant que possible, que tu apportes la preuve que tu as raison de le faire. Quittons les documents officiels pour nous tourner vers la littérature didacticienne : voici cinq ouvrages dont on peut recommander la lecture : • Pour une didactique des activités lexicales à l'école, Repères, n°8, 1993 • Didactique du vocabulaire français, PICOCHE Jacqueline, Nathan, 1993, épuisé, mais consultable in extenso sur le site web de l’auteur, http://www.jacqueline- picoche.com. • Le vocabulaire dans l’apprentissage des langues étrangères, BOGAARDS Paul, CREDIF-LAL, Hatier/Didier, 1994 • Lexique et didactique du français langue étrangère, Actes des 13ème et 14ème Rencontres. Paris, janvier-septembre 1994, Cahiers de l'ASDIFLE (Les), n° 6, 1995 • Enseigner le vocabulaire en classe de langue, TREVILLE Marie-Claude, DUQUETTE Lise, Hachette, f-autoformation, 1996 Et pour les apprenants de FLE, des ouvrages complémentaires de vocabulaire commencent à être proposés sur le marché. On ne peut pas encore dire qu’il s’agisse d’un retour en force du lexique, mais ces publications et leurs qualités laissent bien augurer des années à venir : les « mots » semblent en bonne voie de reprendre aux « actes de parole » un peu de la place peut-être excessive que ces derniers ont quelque temps occupée, au moins en didactique, sinon dans la pratique quotidienne de la classe. (2) Qu’est-ce donc qu’un mot ? La question fut posée à quatre linguistes par le coordonnateur du numéro spécial du Français dans le Monde d’août-septembre 1989 consacré au lexique. Passons sur les réponses données par Greimas et par Martinet, qui nous semblent constituer des curiosités auxquelles on ne peut que renvoyer les « curieux », et contentons-nous de résumer celles de Bernard Pottier et de feu Maurice Gross. L’enseignement du vocabulaire en classe de français langue étrangère 3 Bernard Pottier oppose le MOT à la LEXIE : « Le MOT est une séquence de morphèmes ; certains mots n’ont pas d’existence isolée (fur) ; d’autres sont fréquemment dotés de liaisons originales avec d’autres mots ...Toute séquence (de 1 à n éléments) faisant partie du SAVOIR de langue (compétence lexicale) est une LEXIE, mémorisée comme telle, simple ou complexe : air, plein air, prendre l’air, l’air de ne pas y toucher. » Quant à la réponse de Maurice Gross, le coordonnateur l’a gardée pour la fin ; elle clôt donc aussi bien le volume que la série. Après avoir regretté que l’acoustique physique ne permette pas un découpage du son en mots, Maurice Gross reconnaît que « la forme écrite est la seule possibilité de définir le mot : la partie formelle du mot simple est une suite de caractères comprise entre deux séparateurs consécutifs : le blanc, l’apostrophe et le tiret. - surévaluer est donc un mot simple, - sous-évaluer, aujourd’hui, mal famé sont des mot composés. » Certains mots simples peuvent être associés à plusieurs sens (voler), d’autres ne pas en avoir (escampette, ni même poudre d’escampette). L’unité minimale de sens commence avec prendre la poudre d’escampette, que Maurice Gross, par souci de cohérence terminologique, préfère appeler un verbe composé plutôt qu’une locution verbale. De la même façon, si cordon bleu est bien un nom composé, alors nul et non avenu est un adjectif composé, de temps à autre un adverbe composé, tant et si bien que une conjonction composée, etc. C’est à cette définition du mot que nous nous empressons d’adhérer, car elle est d’une simplicité qui devrait être aussi lumineuse pour les apprenants que pour les analyseurs syntaxiques et les dictionnaires électroniques à la réalisation desquels travaillent en France et à l’étranger les équipes héritières de Maurice Gross. Comment les mots se laissent-ils approcher ? L’« angle d’approche » le plus immédiat est évidemment la forme, ou morphologie : tout mot a une forme qui permet, le plus souvent à simple vue, notamment par sa terminaison, de le ranger dans au moins une (et parfois plusieurs) des grandes catégories traditionnelles : nom, verbe, adjectif, etc., et cela, même si l’on en ignore le(s) sens. Ces catégories sont déjà anciennes et communément admises et utilisées, au moins dans l’aire indo-européenne. Seule la catégorie du déterminant se distingue par sa relative jeunesse, mais elle aussi entre peu à peu dans les mœurs, c’est-à-dire dans les manuels scolaires. Il est encore trop tôt pour voir apparaître des termes comme déterminants simples (articles, possessifs, démonstratifs) et déterminants composés, mais tôt uploads/s3/ extrait-302.pdf

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