8 Les adjectifs numéraux 260 On distingue traditionnellement deux groupes dans
8 Les adjectifs numéraux 260 On distingue traditionnellement deux groupes dans la classe des adjectifs numéraux : 1. Les adjectifs numéraux cardinaux (du lat. cardinalis, «principal»), qui indiquent de façon précise la quantité numérique de la substance dont on parle : un professeur, quarante élèves. REMARQUE. — Le simple recours à la répartition entre les deux nombres grammaticaux ne donne d’indication numériquement précise sur la quantité que lorsque le substantif est au singulier : un élève, des élèves (combien?). 2. Les adjectifs numéraux ordinaux (du lat. ordinalis, « qui marque le rang »), qui indiquent de façon précise le rang occupé dans une série par la substance dont on parle : le premier enfant, le septième élève. En réalité, les adjectifs de ces deux groupes, quoique étroitement apparentés par l’étymologie et la forme, ont un comportement grammatical bien différent : les premiers sont utilisés tantôt comme déterminatifs (trois hommes sont venus), tantôt comme pronoms (représentants : sur les dix hommes, trois seulement sont venus; ou nominaux : deux et deux font quatre). Ils ne s’accordent ni en genre (sauf UN, fém. UNE, et ses composés : VINGT ET UN, etc.) ni en nombre (puisqü’ils s’appliquent toujours à la même quantité). Les seconds ne diffèrent que par le sens des adjectifs qualificatifs, dont ils possèdent tous les caractères morphologiques et syntaxiques : Cet élève est faible (trentième) en thème latin. Ces élèves sont faibles (trentièmes). Les adjectifs numéraux cardinaux 401. Les formes. La série des adjectifs numéraux cardinaux se confond avec celle des noms de nombre de l’arithmétique; elle est donc théoriquement infinie. Mais leur fréquence d’emploi décroît rapidement avec la grandeur et la complexité du nombre qu’ils désignent. Les seize premiers noms de nombre, les noms des dizaines jusqu’à SOIXANTE, ainsi que CENT et MILLE sont hérités du latin Les autres noms de nombre sont formés à partir de ceux-ci par le procédé de la juxtaposition, interprété suivant le cas comme marque de l’addition (dix-sept, vingt-quatre) ou de la multiplication (sept cents, quatre-vingts). Toutefois, la juxtaposition fait place à la coordination par ET chaque fois que le nombre UN est joint à une dizaine 261 (exception : quatre-vingt-un), ainsi que dans soixante et onze. HISTORIQUE. L’usage a longuement hésité entre la juxtaposition et la coordination : à peu d’années d’intervalle, Rabelais et Ronsard pouvaient écrire, le premier TRENTE ET DEUX, le second VINGT-UNIEME (formé sur VINGT UN, employé en concurrence avec VINGT ET UN). 402. Quelques points d'histoire. 1. SEPTANTE (70) et NONANTE (90), encore couramment employés en Suisse romande, en Belgique et, de façon éparse, dans tout l’est de la France, OCTANTE (et HUITANTE) [80], plus rares, ont été supplantés au XVII* siècle par SOIXANTE-DIX, QUATRE-VINGTS et QUATRE-VINGT-DIX. Certains institu- teurs, pour faciliter l’apprentissage du calcul, utilisent les formes anciennes ; cette étrange méthode est même recommandée par les 1 nstructions officielles de 1945. 2. Outre QUATRE-VINGTS et ses composés, la numération par VINGT, courante en ancien français, laissait encore quelques traces au xvi' siècle (sept vingts et unze vingts chez Rabelais) et au XVII* siècle (six vingts chez Molière) ; nous connaissons encore l’hôpital des Quinze-V ingts, « qu autant vaudrait nommer Trois Cens », disait déjà Villon. 3. C’est au xvie siècle que ZERO a été emprunté à l’arabe par l’intermédiaire de l’italien : ce concept arithmétique n’existait pas en latin. Du point de vue grammatical, zéro se comporte comme un nominal. Il ne s’emploie guère comme déterminatif que dans l’expression scolaire zéro faute et dans l’usage des marchands. 4. L’ancienne langue éprouvait assez rarement le besoin de nombrer de façon précise les très grandes quantités : le substantif MILLIASSE désigne un nombre énorme, mais vague. Les substantifs MILLION et MILLIARD datent respectivement du xive et du xvi' siècle; ils sont toujours présentés par l’article, et le substantif qui les suit est précédé de la préposition DE : un million d’hommes (mais : un million cinq cent mille hommes). 5. La numération par multiples de CENT après MILLE (aujourd’hui limitée à dix-neuf cents) pouvait, dans l’ancien usage, se poursuivre au-delà : on trouve chez Commynes quarante et sept cents (sic) mille et chez Rabelais xxiij cens mille (« vingt-trois cent mille », c’est-à-dire 2 300 000). 403. Difficultés de prononciation et d’orthographe. 1. La prononciation des noms de nombre cinq, six, huit, neuf, dix et vingt (et de leurs composés, sauf quatre-vingts) varie dans les conditions suivantes : — [sêkl, [siz], [ipt], [nœv] (et [nœf]), [diz], [vêt] devant l’initiale vocalique de l’élément qu’ils déterminent; — [sê], [si], [qil, [nœf], [di] et [vê] devant l’initiale consonantique de l’élément qu’ils déterminent ([nœ] en cette position n’est plus en usage, de même que îst], qui ne se conserve plus sous cette forme que dans les bottes de sept [st] lieues) ; — [sèk], [sis], [i[itl, [nœf], [dis] et [vê] (parfois [vêt]) en toute autre position. 2. L’article défini le ne s’élide pas devant onze et onzième (sauf fantaisie d’auteur). Pour les autres mots terminés par -e muet, l’usage est indécis. 3. On met le trait d’union entre les éléments juxtaposés l’un et l’autre moindres que CENT des noms de nombre composés : DIX-SEPT, QUATRE- VINGT-TROIS, mais VINGT ET UN et SEPT CENT DEUX. 262 4. VINGT et CENT multipliés par le nombre qui les précède prennent la marque du pluriel, sauf quand ils. sont suivis d’un autre nom de nombre : QUATRE-VINGTS et QUATRE-VINGT- TREIZE; SEPT CENTS, mais SEPT CENT QUATORZE. Cette bizarrerie orthographique, qui date de la fin du xvn* siècle, semble peu à peu sortir de l’usage; l’arrêté du 26 février 1901 en rend d’ailleurs l’application facultative. 5. La forme MIL (du singulier lat. mille, alors que le mille français vient du pluriel latin milia) s’emploie encore parfois dans les dates de l’ère chrétienne : mil huit cent onze. 404. Les emplois. La valeur propre des adjectifs numéraux cardinaux a été définie au paragraphe d’introduction. On les trouve parfois aussi dans les emplois suivants : A. — 2, 4, 20, 36, 50, 100, 119, 400, 1 000 et quelques autres désignent souvent, de façon peu précise (par excès ou par défaut), des quantités difficiles à évaluer : A moi, comte, deux mots! (CORNEILLE.) Je vous demande mille pardons (BALZAC). B. — Les adjectifs cardinaux marquent le rang à la place des ordinaux : — pour les souverains et les papes : Louis XIV, Jean XXIII, mais premier ne cède qu’exceptionnellement la place à un : LEON Ier, empereur et roi (Alain). Dans une fantaisie énumérative de Prévert on trouve Louis I; — pour l’année, le quantième du mois et l’heure : l'an deux de la République; le dix- huit Brumaire (mais le premier mai); sept heures; — pour les diverses divisions des ouvrages : Livre II, page 14, § 2 57; chapitre un ou premier. 405. Les formes. Sauf PREMIER (du bas latin primarius) et SECOND (du latin secundus, forme adjectivale du verbe sequi, « suivre »), les adjectifs ordinaux sont formés sur les adjectifs cardinaux correspondants à l’aide du suffixe -ième : unième (seulement dans les adjectifs composés du type vingt et unième), deuxième (employé de préférence à second lorsque la série envisagée comporte plus de deux termes : second et dernier en grec — deuxième sur trente en latin), troisième, quatrième..., soixantième, quatre-vingtième, etc. 406. Historique. Pour les premiers nombres, les anciennes formes, directement héritées du latin, s’emploient encore dans les conditions suivantes : PRIME, forme féminine de prin (conservé dialectalement et hérité du lat. primus), ne se trouve plus comme adjectif que dans les locutions figées de prime abord et de prime saut. Substantivé, il vit encore dans certains vocabulaires techniques : office de prime, morue de prime, etc. ; TIERS, du latin tertius, survit dans des locutions figées : le Tiers Etat, une tierce personne, etc. Substantivé, il désigne une fraction (voir paragraphe suiv.), et, dans le langage administratif, une troisième personne; QUART, du latin quartus, désigne lui aussi une fraction ; sous sa forme féminine quarte, il vit encore dans certains vocabulaires techniques comme adjectif (fièvre quarte) ou comme substantif (terme d’escrime et de 263 musique); QUINT, du latin quintus, ne se trouve plus que dans quelques noms propres (Charles Quint, Sixte Quint), et, comme substantif, que comme terme d’escrime et de musique (une quinte); SIXTE, SEPTIME, OCTAVE, NONE et DECIME, formes savantes que doublaient les formes populaires SISTE, SETME, OITME, NUEFME et DIME, sont aujourd’hui des noms propres ou des termes techniques. Il en va de même pour QUADRA- GESIME, QUINQUAGESIME, SEXAGESIME, SEPTUAGESIME (noms propres de fêtes religieuses), ainsi que pour CENTIME et MILLESIME (termes techniques). Remarque. — Sont formés également à l’aide du suffixe -ième l’interrogatif ordinal quantième (supplanté dans l’usage très familier par combientième) et les ordinaux algébriques du type de énième [tnj£m]. 407. Les emplois. En plus de leur valeur propre (définie page 260), les adjectifs ordinaux servent aussi à désigner les fractions; ils sont alors substantivés, et présentés soit par l’article (LE CINQUIEME, UN HUITIEME), soit par l’un quelconque des adjectifs cardinaux (TROIS CINQUIEMES, CINQ HUITIEMES), soit par uploads/s3/ expresii-e-cantitate.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
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