Cahiers d’ethnomusicologie 4 (1991) Voix ......................................
Cahiers d’ethnomusicologie 4 (1991) Voix ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Alain Daniélou Mantra. Les principes du langage et de la musique selon la cosmologie hindoue ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Alain Daniélou, « Mantra. Les principes du langage et de la musique selon la cosmologie hindoue », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 4 | 1991, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 25 octobre 2012. URL : http:// ethnomusicologie.revues.org/1575 Éditeur : Infolio Editeur / Ateliers d’ethnomusicologie http://ethnomusicologie.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://ethnomusicologie.revues.org/1575 Ce document PDF a été généré par la revue. T ous droits réservés La cosmologie hindoue pose le problème fondamental de la possibilité de la communication, du principe sur lequel reposent les différentes formes de lan- gage : langage des odeurs, des goûts, du toucher, langage visuel des gestes et des symboles, langage des sons, et ses deux branches qui sont le langage parlé et le langage musical. Les philosophes hindous considèrent que l’Univers, par- tant d’une manifestation énergétique initiale, se développe selon des principes contenus dans son germe, selon une sorte de code génétique basé sur des don- nées mathématiques. Formé à l’origine de relations purement énergétiques, le monde se déve- loppe dans des formes multiples utilisant les mêmes formules de base. Toutes les manifestations de la matière, de la vie, de la perception, de la sensation, sont des branches parallèles provenant d’un arbre commun. C’est l’identité fondamentale des composantes énergétiques de la matière, de la vie, de la pensée et de la perception, qui permet d’établir des rapports, des analogies entre les uns et les autres et qui fait qu’un langage visuel ou sonore peut nous permettre d’évoquer certains aspects de la pensée, de la sensation, de l’émotion, de l’harmonie des formes. S’il n’y avait aucun rapport, l’un ne pourrait servir de véhicule à l’autre. Dans la logique de la création, un monde n’existe que s’il est perçu. Il n’y a pas de perception sans objet, ni d’objet sans perception. A chaque état de la matière correspond un sens de perception et une forme de conscience chez les êtres vivants. Dans les lieux perpétuellement sans lumière, les poissons n’ont pas d’yeux. Les perceptions auditives, particulièrement dans la musique, sont pour nous extrêmement importantes, puisque ce sont elles que nous pouvons le plus aisément analyser en termes de rapports de fréquence, en termes numé- riques. Nous pouvons, à travers le phénomène du langage, musical ou articulé, découvrir quelque chose de ces équations sur lesquelles reposent les struc- tures de la matière, de la vie, de la perception, de la pensée. C’est pourquoi la musique a été considérée par les Anciens comme une sorte de clef de toutes les sciences. Il n’est donc pas idiot de rechercher, comme le faisaient les philosophes du monde antique, des parallèles, des affinités entre les particularités que nous révèlent les intervalles musicaux et les différentes formes de la matière et de la vie, les plantes, les animaux, les structures des atomes ou celles des systèmes MANTRA Les principes du langage et de la musique selon la cosmologie hindoue Alain Daniélou 70 CAHIERS DE MUSIQUES TRADITIONNELLES 4/1991 planétaires, ainsi que les mécanismes de la perception, les réactions émotives ou les structures de la pensée. Pour les comprendre, il suffit de les mettre en équation, de les chiffrer. D’une manière générale, nous pouvons appeler langage l’ensemble des pro- cédés utilisés par les êtres vivants comme moyens d’expression et de communi- cation. Un langage est constitué par un ensemble de symboles qui permettent de représenter, d’évoquer des objets, des personnes, des actions, des émotions, des sentiments, voire des principes abstraits. Toutefois, comme tout système symbolique, un langage ne peut jamais être qu’une approximation, une évoca- tion. Il ne peut qu’indiquer, suggérer une idée, une forme, une personne, une sensation, une émotion, jamais les représenter réellement. Tout moyen de communication est par définition un langage. Les diffé- rentes sortes de langages sont classées selon une hiérarchie qui correspond à celle des états de la matière ou éléments et aux sens de perception qui leur correspondent. A l’élément feu, sphère de la vue, correspondent les formes visuelles du langage. C’est à ce domaine qu’appartiennent les yantra, les diagrammes sym- boliques, ainsi que les images, les hiéroglyphes et, dans une certaine mesure, l’écriture, qui sont des formes visuelles de communication. C’est aussi à la sphère de la vue qu’est lié le langage des gestes, le langage des mudra, qui peut être un moyen très complet de communication. Les actes rituels, qui permet- tent de communiquer avec le monde invisible des esprits, sont en grande partie liés au langage des mudra. L’élément fondamental est appelé éther. C’est le domaine dans lequel peuvent se développer les autres éléments. Les caractéristiques de cet élément sont l’espace et le temps. Une onde est caractérisée par une longueur et une fréquence. Sa perception est donc liée à la valeur relative de notre perception de l’espace et du temps. Des êtres vivant dans d’autres dimensions, ayant une autre perception du temps, sont pour nous inconnaissables. Nos efforts pour communiquer avec des êtres subtils, des esprits, présupposent qu’ils perçoivent la même durée de temps que nous. C’est pourquoi ces efforts sont souvent stériles. Un dieu, pour qui une journée correspond à la durée d’une vie humaine, n’est pas sur la même longueur d’onde que nous, et la commu- nication est difficile. Tout ce qui existe n’est, dans son principe, que manifestation d’énergie de nature vibratoire dans l’espace-temps, c’est-à-dire dans l’éther. Nous n’avons pas d’organe pour percevoir directement l’ensemble des vibrations de l’éther, sinon nous connaîtrions la nature secrète du monde, le processus de sa forma- tion. Nous ne percevons de vibrations simples qu’à travers leurs répercussions sur l’air. C’est le domaine du son. Étant la représentation la plus proche du processus par lequel la pensée du Créateur se manifeste dans l’Univers, le son apparaît comme l’instrument le plus adapté pour exprimer, fût-ce d’une manière limitée, les différents aspects du monde, de l’être, de la pensée. Le langage sonore est de deux sortes. Si nous utilisons seulement les rapports numériques entre les vibrations sonores – analogues aux rapports géométriques Shiva créant le monde par sa danse cosmique. Bhuvaneshvar (XI e siècle). Photo : Raymond Burnier. DOSSIER / DANIÉLOU 71 72 CAHIERS DE MUSIQUES TRADITIONNELLES 4/1991 des yantra – nous obtenons le langage musical. Lorsque nous utilisons les par- ticularités de notre organe vocal pour interrompre, différencier et rythmer les sons, nous obtenons le langage parlé qui nous permet de façonner une grande variété de symboles sonores distincts que nous allons pouvoir utiliser pour représenter des objets, des notions, circonscrire, plus ou moins grossièrement, les formes de la pensée. C’est le domaine des mantra. Le monde n’a pas de substance. C’est un rêve divin, une illusion à laquelle la puissance divine donne une apparence de réalité. Le monde n’est qu’énergie pure, que tensions, que vibrations dont l’expression la plus simple apparaît dans le phénomène sonore. C’est pourquoi il est dit que le Créateur profère l’Univers. C’est la théorie du Verbe Divin. Le monde n’est qu’une parole, un chant divin par lequel s’exprime l’idéation du Créateur. C’est pourquoi, lorsque, par l’introspection du yoga, nous remontons jusqu’au point où la pensée devient parole, où l’émotion naît du son musical, nous pouvons arriver à comprendre quelque chose de la manière dont l’être divin donne naissance au monde et à la vie. Au cours de cette introspection, nous pouvons observer que la pensée se manifeste dans le langage en quatre stades. Elle apparaît d’abord dans un substrat informel appelé para, l’au-delà, puis jaillit comme une entité précise et indivisible dont nous avons soudain une sorte de vision globale. Ce stade est appelé pashyanti, la vision. Nous cherchons alors à en délimiter les contours à l’aide des symboles sonores que sont les mots. Cette formulation est plus ou moins précise selon la richesse du vocabulaire dont nous disposons, du nombre et de la qualité des mots que nous avons appris à utiliser. Ce stade de formula- tion mentale de l’idée à travers les mots est appelé madhyama, le stade inter- médiaire. Nous pouvons ensuite extérioriser cette formulation sous une forme sonore appelée vaikhari, la parole. Mais nous pouvons aussi l’exprimer par des gestes, tels que les mudra. La remontée aux sources de la parole est une des techniques les plus impor- uploads/s3/ ethnomusicologie-1575-4-mantra-les-principes-du-langage-et-de-la-musique-selon-la-cosmologie-hindoue.pdf
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- Publié le Jul 18, 2021
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