HAL Id: hal-02133496 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02133496 Submitted on
HAL Id: hal-02133496 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02133496 Submitted on 18 May 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Danse et création Christine Leroy To cite this version: Christine Leroy. Danse et création. WikiCreation , Institut ACTE, 2017. hal-02133496 1 Danse et création Article publié sur Wikicreation en Septembre 2017 ; revue française bilingue à comité de lecture en double aveugle. Christine Leroy -‐ Chercheuse associée UMR ACTE, équipe EsPAS. Résumé Nous nous proposons ici de problématiser la tension entre « la » danse et le concept de création, à partir de la complexité que représente l’emploi du mot de « danse » au singulier. Notre approche phénoménologique nous amènera à penser la danse comme dynamique ; mais une telle acception inclut que la danse s’évanouisse à mesure qu'elle s'effectue, ne laissant pas de trace d'elle-‐même, ne produisant rien qui lui survive. Ce constat est paradoxal. La danse semble bien être un geste de création, puisque créer c'est faire exister, et que du fait de danser résulte un mouvement. Mais la danse est en même temps un évènement, que sa réification sous forme verbale ou sous celle du souvenir échoue à manifester telle quelle. Autrement dit, paradoxalement, si en tant qu'évènement moteur la danse est toujours création renouvelée parce qu'éphémère, elle fuit la réification comme création durable. Après avoir, dans un premier temps, considéré ce qui justifie fondamentalement l'association de la danse à la création, soit comme geste créateur, soit comme résultat d'un tel geste, nous explorerons ensuite les apories auxquelles mène une telle association. Nous approfondirons alors une hypothèse : celle de la chorégraphie comme écriture créatrice spécifique. Nous en viendrons à postuler, dans un dernier temps, l’idée d’une caractérisation de « la danse », dans toute la diversité et la complexité de ses acceptions possibles, par son type spécifique de jeu créatif : la « ré-‐création ». Mots-‐clés Danse – chorégraphie – jeu – interprétation – mouvement – geste – intention – désintéressement – créativité – liberté Article I. Introduction : « la danse », un singulier problématique Selon le sens commun, le fait de danser résulte d’une mise en mouvement, volontaire ou non, du corps ; cette pratique gestuelle et motrice peut s’effectuer seul ou à plusieurs, être spontanée ou codifiée, avec ou sans musique, spectaculaire ou privée1. Autant dire que l’ampleur d’une telle définition ne permet pas d’en cerner la spécificité, et l’on pourrait se demander s’il est légitime de parler de « la » danse pour désigner plutôt une pluralité hétérogène de pratiques. Il est notable qu’au sein de chacune de ces pratiques, il y a une manière de définir « la » danse, par exclusion d’autres types de technique2. Est-‐ 1 La définition ainsi donnée par le Centre National de Ressources Textuelles (CNRTL — référencement scientifique), est la suivante : « Activité ludique d'une personne seule ou de plusieurs partenaires, consistant à exécuter une suite de pas, de mouvements du corps et d'attitudes rythmiques, le plus souvent 2 Le CNRTL ajoute pour définition au mot « danse » : « Technique qui règle l'exécution de la danse notamment professionnelle, manière typique de danser dans une circonstance particulière ou propre à une personne ou un groupe de personnes. » L’on aboutit ainsi à un paradoxe : « la » danse, ce serait précisément un seul type de danse, démultiplié en autant de manières qu’il y a d’exclure d’une technique 2 ce à dire que « la » danse, au sens général, se définit par la diversité infinie des possibilités motrices des êtres humains ? Il nous semble au contraire que le sens du terme de « danse » peut et doit être restreint. En effet, une simple mise en mouvement ne saurait être systématiquement qualifiée de « danse »3. Inversement, il est des pratiques chorégraphiques reposant sur la mise en suspens du mouvement4 ; enfin, il est des situations dans lesquelles un objet, tel un sac plastique voletant dans les airs et apparemment animé d’un mouvement autonome, donne l’impression de danser — en pareil cas, il y a danse sans corps humain5. Nous prendrons ici le parti de penser la spécificité de la danse non à partir du mouvement, pas plus qu’à partir du corps, mais à partir du caractère créateur et proprement poétique du geste effectué ou suspendu6. Le prisme de « la création » nous servira d’opérateur pour tenter de réduire « la » danse à ce qui la caractérise en propre. Ainsi, nous souhaitons ici explorer la validité d’une hypothèse : ce qui caractérise la danse, n’est-‐ce pas le fait d’hypostasier la dynamique créatrice elle-‐même, de sorte que la danse serait auto-‐poétique ? Notre méthode sera d’inspiration phénoménologique, ce qui restreindra notre analyse à une approche fondée sur le vécu du danseur, voire celui du spectateur 7 . La phénoménologie est scientifique en ceci qu’il s’agit, selon le mot d’ordre de Husserl, de « revenir aux choses mêmes » plutôt que d’adopter un point de vue métaphysique à mille lieues de la chose8. Mais ce n’est pas un positivisme : nous ne prétendrons donc pas d’autres techniques. Autrement dit, par le singulier « la » danse, on désignerait cela même qui s’exclut « des » danses. L’on en vient alors à formuler l’étrange paradoxe de « la » danse : elle est à la fois englobante d’une pluralité, et excluante de cette même pluralité. 3 Si tout mouvement n’est intuitivement pas qualifiable de « danse », toute danse est-‐elle mouvement ? Voire note suivante. 4 Un article de Rosita Boisseau paru dans Le Monde du 25 avril 2009 met en évidence le caractère déroutant, voire aporétique, de certaines pratiques motrices ou non motrices. L’auteur de l’article reprend, à cette occasion, l’expression de « non danse » employée par Dominique Frétard dans son article « La fin annoncée de la non-‐danse » in Le Monde du 6 mai 2003, pour désigner cela même que, selon une acception commune, la danse exclut. La « non danse » relève-‐t-‐elle toujours de « la » danse ? Voir http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/04/25/dans-‐beaucoup-‐de-‐spectacles-‐de-‐danse-‐on-‐ne-‐ danse-‐plus_1185423_3246.html Voir également, l’article « Du pas de danse au pas de danse » d’Éric Demey, publié le 30 novembre 2011 au sein du numéro hors-‐série du Journal La Terrasse consacré à « L’état des lieux de la danse en France ». http://www.journal-‐laterrasse.fr/hors-‐serie/du-‐pas-‐de-‐danse-‐au-‐pas-‐de-‐danse/ Pour un point de vue global sur la polémique enclenchée par l’article de Dominique Frétard, voir Gérard Mayen, « Déroutes : la non non-‐danse de présences en marche », Rue Descartes, 2004/2 (n° 44), p. 116-‐ 120. https://www.cairn.info/revue-‐rue-‐descartes-‐2004-‐2-‐page-‐116.htm 5 Dans sa pièce « 100% polyester, objet dansant n°( à définir) », Christian Rizzo met en mouvement des robes, qui semblent investies d’un mouvement humain et paraissent danser sous l’impulsion de ventilateurs. La pièce est poétique et met en émoi les spectateurs ; pourquoi est-‐on convaincu, à un tel spectacle, qu’il s’agit bel et bien de danse ? Voir http://www.lassociationfragile.com/christian-‐ rizzo/choregraphe/spectacles/christian-‐rizzo-‐choregraphe-‐spectacles.php?id=1 ; vidéo en ligne : https://vimeo.com/25460231 ; dossier de presse : http://www.christianrizzo.com/christian-‐ rizzo/choregraphe/data/pdf/21-‐06-‐2010-‐18-‐26-‐26-‐100.pdf. Voir enfin l’article d’Irène Filiberti consacré à Christian Rizzo in La Lettre de Kinem n°9, sept.-‐déc. 2007. 6 Nous nous appuyons en particulier sur la publication en deux volumes de LOUPPE L. (2004 -‐ volume 1 et 2007 -‐ volume 2). Poétique de la danse contemporaine. Paris : Éditions Contredanse. 7 Voir BIGÉ R. (15 décembre 2016). « Ce que la phénoménologie peut apprendre de la danse. Straus, Merleau-‐Ponty, Patočka ». Recherches en danse n°5. http://danse.revues.org/1394. Voir également STRAUS E. (1936). « Le Mouvement Vécu ». Recherches philosophiques n°5. 8 Voir l’explicitation qu’en fait MERLEAU-‐PONTY M. (1945). Phénoménologie de la perception. Paris : Éditions Gallimard. Avant-‐propos, p. III : « Il s'agit de décrire, et non pas d'expliquer ni d'analyser. Cette 3 décrire l’objet « danse » tel qu’il est en soi, absolument — si tant est qu’un tel objet existe —, mais le phénomène consistant à danser — voire, à regarder le spectacle de danse —, c’est-‐à-‐dire le vivre de la danse. Y a-‐t-‐il une commune mesure entre tous les vécus du « danser », et cette commune mesure peut-‐elle être comprise à partir d’une phénoménologie de la création elle-‐même ? Considérons en premier lieu les mots, avant d’en venir à l’expérience phénoménale. a. Le mot de « danse » La motricité semble inhérente à la danse : selon l’opinion commune, qu’il est légitime d’interroger, danser nécessite de « bouger ». Il n’y a qu’à en juger par le sentiment d’exclusion du « grand public » parfois exprimé à l’endroit de pièces de danse contemporaine dont les interprètes restent immobiles : « ils font rien ! », dira le spectateur uploads/s3/ danse-et-creation 1 .pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 09, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.7543MB