1 Séminaire de recherche en iconographie Analyse d'un tableau Carolina Gauna, m
1 Séminaire de recherche en iconographie Analyse d'un tableau Carolina Gauna, mai 2012 Les Ambassadeurs de Hans Holbein Le Jeune (Augsburg 1497- Londres 1543) Huile sur panneau de bois 209-207 cm National Gallery, Londres Le peintre Hans Holbein, fils de Hans l'Ancien reçut sa première formation de son père et probablement de Hans Burkmair. La précocité de son talent favorise son indépendance et l'introduit dans les cercles humanistes. Il s'installe à Bâle en 1616, où il mène une activité intense comme portraitiste et produit également des œuvres religieuses et des décorations murales. 2 En 1526 , sans doute sous les conseils d’Érasme, qui le recommande à Thomas More, Holbein fuit la Réforme et s'exile pour deux ans à Londres, où sa renommée de portraitiste s'étend rapidement. Il revient à Bâle, pour la quitter définitivement en 1531. Il trouve à Londres des protecteurs de la ligue hanséatique, réseau de marchandes de l'Europe du nord. En 1536 il est nommé peintre-valet d'Henri VIII et devint rapidement le portraitiste officiel de la cour d'Angleterre. Il meurt de la peste qui ravage Londres en 1543. Holbein est ouvert à toutes les influences, de Grünewald à Leonardo, de Metsys aux peintres anglais. Il sait les intégrer en un langage original qui se présente comme une synthèse internationale unique de la peinture du début du XVIe s. Son art se fonde sur la solution de deux problèmes, qui furent déjà ceux de son père : le dessin, porteur de l'exactitude expressive, et la composition, bâtie sur une étude extrêmement attentive de la perspective, dans laquelle les structures de l'espace varient constamment pour parvenir dans les derniers portraits à une sorte d'équilibre entre le réalisme et l'abstraction, entre la tradition gothique et la Renaissance humaniste. Au contact d'Érasme et de More, Holbein imprègne son art des idées humanistes formulées dans le doute rationaliste qui baigne ses peintures religieuses et dans la recherche inquiète et constante d'une signification profonde de l'être, derrière l'apparence du portrait. Le contexte politique et religieux de l'année 1533 Le paysage politique européen de l'époque est dominé par quatre figures majeures, les rois de France, François Ier et d'Angleterre, Henri VIII, l'Empereur romain germanique, Charles Quint et le pape Clément VII. En octobre 1532, Francois Ier rencontre Henry VIII pour tenter d'obtenir son soutien contre l'Empire. Henri VIII, quant à lui, souhaite que François Ier use de son influence sur le pape Clement VII pour résoudre la question de son divorce avec Catherine d'Aragon, la tante de Charles Quint. Les rencontres sont chaleureuses. Des cardinaux français mènent alors des négociations secrètes avec le pape pour soutenir la position d'Henri VIII. La décision de publication par le pape des bulles nécessaires à la nomination de Thomas Cranmer comme archevêque de Cantorbéry semble indiquer que les cardinaux ont fait avancer le dossier d'Henri VIII auprès de Clément VII. Le 25 janvier 1533, Henri épouse en secret Anne Boleyn. Puis les évènements se précipitent, le 23 mai, Thomas Cranmer, maintenant archevêque de Cantorbéry, se substitue au pape et annule le mariage d'Henri VIII avec Catherine d'Aragon. Le 1er juin, Anne Boleyn est couronnée à l'abbaye de Westminster. Finalement, tout cela entraînera, le 23 mars 1534, l'excommunication d'Henri VIII par Clement VII et le schisme de l'église anglicane avec Rome. Durant la même période la France connaît aussi un certain trouble face aux thèses luthériennes. Les personnages Jean de Dinteville (1504-1557), bailli de Troyes et seigneur de Polisy était ambassadeur. Georges de Selve (1506-1541), était lui aussi diplomate. Il fut ambassadeur en Angleterre en 1533, auprès de la République de Venise de 1534 à 1535, du Saint -Siège à Rome en 1536, puis à Vienne, auprès de l'Empereur romain-germanique et en Espagne. Le tableau présente ces deux hommes accomplis, dans la force de l'âge, qui tiennent entre leurs mains l'essentiel de la diplomatie française du moment, et qui se font représenter avec toutes les marques du pouvoir, mais aussi du savoir de l'époque, à travers un riche programme iconographique. Destiné au château de Dinteville à Polisy, il immortalise la prise de fonction d'un ambassadeur français fraîchement nommé à la cour d'Angleterre, et correspond en cela à la fonction des portrait de cour et privés, tels que Holbein les a largement pratiqués tout au long de sa carrière, notamment en Angleterre, auprès d'une clientèle privilégiée constituée des courtisans d'Henri VIII, des riches propriétaires fonciers anglais, et marchands membres de la Ligue Hanséatique. 3 L'originalité de l'œuvre tient dans le choix, non d'une représentation de son unique commanditaire, mais dans celui d'un portrait double, suggérant l'équivalence et la complémentarité, et l'amitié des deux personnages : d'un côté, le miles, le soldat, avec ses attributs guerriers que sont la dague qu'il tient de la main gauche, l'épée ceinte au côté gauche, et l'insigne de l'ordre de St Michel sur la poitrine ; de l'autre le clericus, l'érudit, en contrepoint religieux et plus austère. L'ambassadeur de robe courte, détenteur du pouvoir politique, répond à l'ambassadeur de robe longue, détenteur du pouvoir religieux. La composition équilibrée, en trois tiers verticaux soulignés par le pavage au sol, la position en miroir des coudes droit et gauche de Dinteville et de Selve de part et d'autre de l'étagère, ainsi que leurs regards fixant le spectateur, qui se positionne naturellement entre les deux hommes pour pouvoir les observer, rendent évidente la symétrie du tableau et suggèrent la force des liens qui unissent les deux amis. Le tableau célèbre les retrouvailles entre deux amis, à l’instant fixé sur la toile. Le cadran solaire cylindrique, précise d'ailleurs la date de la rencontre, le 11 avril 1533, alors que l'horloge polyédrique en donne l'heure, avec une hésitation néanmoins entre le côté qui fait face au spectateur, indiquant 9 h 30 et les deux autres côtés, indiquant 10 h 30. Le tableau dévoile également leurs âges respectifs : 29 pour l'un et 25 ans pour l'autre. Lorsque Jean de Dinteville est envoyé en Angleterre en février 1533, les espoirs d'alliance entre la France et l'Angleterre sont au plus haut. Sa présence à Londres, et celle de son frère, François, l'évêque d'Auxerre, ambassadeur de France auprès du Siège apostolique, montrent le rôle central qu'il joue dans les négociations entre François Ier, Henri VIII et le pape. Georges de Selve, de son côté, a passé l'essentiel de son sacerdoce à travailler à la réconciliation au sein de l'Église. Il fut notamment très critique à l'égard de la corruption dans les rangs des catholiques, qu'il jugeait responsable du développement du luthéranisme. Ces positions peuvent éclairer la présence du livre de cantiques luthériens, ouvert à droite de l'étagère inférieure, mais aussi du crucifix, dissimulé derrière la riche tenture verte, dans l'angle supérieur gauche du tableau, renvoyant à l'idée d'un Dieu caché, inaccessible par la seule raison humaine (selon la vision de Saint Paul, dont Georges de Selve était un fervent admirateur). Le tableau Les deux hommes, qui regardent le spectateur, sont accoudés à un meuble comportant deux étagères et sur lequel sont disposés plusieurs objets qui se rattachent au Quadrivium, les quatre sciences mathématiques parmi les Sept arts libéraux, soient l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie. Sur l'étagère supérieure, on voit une sphère céleste, des objets de mesure du temps et un livre, disposés sur un tapis rouge aux motifs géométriques complexes. Sur l'étagère inférieure, un globe terrestre, deux livres, un luth et quatre flûtes réunies dans un étui. L'arrière plan est occupé par un rideau de velours vert dont un repli révèle, à peine, dans le coin haut gauche un crucifix. Le sol montre un pavage composé de cercles et de carrés où se détache une forme difficilement lisible, mais qui saute aux yeux tant elle semble hors de l'espace de la peinture et qu'on a souvent nommé l'os de seiche. Jean de Dinteville est richement habillé d'un manteau de fourrure, il porte à la main une dague dans un étui, où son âge, 29 ans, est gravé, un béret sur la tête sur lequel est accrochée une broche comportant la représentation d'un crâne. Du noir de ses vêtements tranche le rouge des ses manches et de sa poitrine où pend à une chaîne dorée une médaille décorée d'un ange, la preuve de son appartenance à l'ordre de Saint- Michel. Georges de Selve est, lui, tout vêtu de noir, enveloppé dans un manteau de fourrure. Il porte une paire de gants dans la main droite et sa tête porte une coiffe. De Selve passe l'essentiel de son sacerdoce à travailler à la réconciliation au sein de l'Église. La peinture semble donc immortaliser la prise de fonction d'un ambassadeur français fraîchement nommé à la cour d'Angleterre et la visite que lui fait à cette occasion son ami. 4 Ce premier regard jeté sur la peinture, une œuvre quasiment carrée, de plus de deux mètres de côté, amène deux réflexions : les deux hommes, sujets du tableau, n'en occupent pas le centre, ils sont déportés sur les bords, encadrant comme un écrin un ensemble d'objets qui semblent hétéroclites au premier abord. A leurs pieds uploads/s3/ analyse-holbein-pdf.pdf
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- Publié le Oct 15, 2021
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