L’histoire des couleurs d’après le Petit livre des couleurs de Michel Pastourea
L’histoire des couleurs d’après le Petit livre des couleurs de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet Le bleu Le bleu est une couleur consensuelle à notre époque, c’est la couleur préférée des Européens. Elle n’était pas considérée comme une couleur dans l’Antiquité, et n’était pas représentée, sauf en Egypte où elle était considérée comme porte-bonheur. Le bleu en Egypte Le bleu (irtyu) pouvait être obtenu à partir de silicate de cuivre calcique. Le bleu clair est le symbole de l'air et du ciel. C'est également la couleur du dieu Amon qui était, entre autres, un dieu de l'atmosphère. Le bleu sombre du lapis-lazuli est le symbole de la voûte céleste la nuit, et des abysses. Le bleu turquoise est le symbole de l'univers aquatique du Nil d'où jaillit toute vie. Le bleu est une couleur difficile à fabriquer. Pour Rome, c’est la couleur des barbares, de l’étranger. Le bleu est absent dans les textes anciens. Jusqu’au Haut Moyen Age, les couleurs utilisées sont le rouge, le blanc et le noir. Le livre des Péricopes d'Henri II (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 4452) est un manuscrit enluminé du Moyen Âge réalisé vers 1002-1012 pour Henri II du Saint Empire. Au 12ème et 13ème siècle, on assiste à la promotion du bleu. La lumière devient bleue, les ciels sont peints en bleu. A partir du 12ème, la Vierge s’habille de bleu. Cette couleur permet de hiérarchiser les individus. (Le roi s’habille de bleu) Cimabue, Vierge aux anges, vers 1290 Les « Très Riches Heures du duc de Berry », un manuscrit exceptionnel - chef d'œuvre de l'art gothique - conservé au musée Condé de Chantilly Le vert et le jaune apparaissent pour varier les combinaisons. Le bleu devient le contraire du rouge, les vitraux deviennent bleus (bleu de cobalt), la couleur bleue devient un enjeu religieux. Le bleu devient plus facile à fabriquer : les progrès techniques permettent la production de coques de guède et fait la fortune des Pays de Cocagne (Toscane, Picardie, Toulouse), en concurrence des producteurs de garance (rouge). Au 18ème siècle, l’apparition du bleu de Prusse, l’indigo des Antilles et d’Amérique provoque la crise des pays de Cocagne. Nantes et Bordeaux (ports) s’enrichissent grâce à l’importation de l’indigo. Au 19ème, le bleu est associé au romantisme et au jean (Levi Strauss) Les jeans, appelés aussi "blue-jeans", ont été créés par Oscar Levi Strauss à la fin du 19e siècle à partir d’une toile en coton fabriquée à Nîmes et appelée "denim" (denim = de Nîmes). Cette toile teintée en bleue était également appelée "bleu de Gênes", car elle était utilisée à Gênes depuis le 16e siècle pour la confection des pantalons de marins. Le terme français "bleu de Gênes" a donné par déformation le nom "blue-jeans". Signification politique : d’abord couleur des républicains (blanc = monarchiste, noir = clérical), le bleu devient conservateur après la première guerre mondiale (rouge = gauche) Le rouge C’est LA couleur, le blanc représente l’incolore, et le noir le « sale » dans l’antiquité. Les pigments rouges sont très vite maîtrisés (dans l’art paléolithique), au néolithique on se sert de : - la garance - l’oxyde de fer - le sulfure de mercure Tadrat, peinture rupestre, Algérie Depuis des époques très anciennes, la couleur rouge a été en Occident associée à la mise en scène du pouvoir et du sacré, celle du sang et du feu, celle de la vie et de la vigueur, celle de l’autorité et de la beauté. C’est une couleur ambivalente : À l’époque romaine, le rouge, qui est à la fois la couleur de la guerre et celle de l’empire, participe à toutes les victoires et solennités. Il y a plusieurs façons d’obtenir du rouge : Plus facile à obtenir avec la garance, ce rouge moins vif est réservé au manteau des légionnaires, aux paysans. Obtenu à partir du murex (coquillage), plus vif, plus rare, il symbolisera la puissance de l’empereur romain, des seigneurs au Moyen Age. Au 13ème et 14ème, il sera utilisé pour parer le Pape et les cardinaux. Cour de justice des pairs de Paris, Procès de Robert d'Artois à Amiens, le 9 juin 1329, en présence du roi de France Philippe VI de Valois L’ambivalence du rouge apparaît en même temps dans la représentation du diable rouge et du chevalier félon rouge. Le code symbolique rouge-noir-blanc du moyen âge est présent dans les contes, les fables : Petit chaperon rouge, beurre (blanc), grand-mère habillée de noir. Illustration de Félix Lorioux pour la couverture du Petit Chaperon rouge. Paris, Librairie Hachette, 1920. (30,7 x 23,7 cm) Pomme rouge/ Blanche-Neige/ sorcière noire Renard / fromage/ corbeau Grandes Heures d'Anne de Bretagne, Guiard des Moulins, Bible historiale Manuscrit à peinture France, Paris, début XVe siècle Au Moyen Âge, le bleu est féminin, le rouge est masculin, cette tendance s’inverse au 16ème siècle. La robe de mariée est rouge jusqu’au 19ème siècle. Dès le 18ème, le rouge est associé au danger : la robe des juges est rouge, le bourreau aussi. En 1789, le drapeau rouge signifiait l’interdiction d’attroupement. Il est aussi associé au plaisir et au spectacle avec son célèbre rideau rouge. Le blanc La craie, disponible directement dans la nature, a été utilisée sèche, humide ou pâteuse, depuis les temps préhistoriques : les dessins des grottes et des cavernes en témoignent. Cheval grotte Chauvet Dans les sociétés anciennes, les pigments blancs issus de craies étaient utilisés pour colorer les supports d’écriture ou d’enluminures, supports qui restaient dans la couleur de la matière qui les composait telle que marron pour le bois, écru pour les étoffes, gris pour la pierre, jusqu’au moment où l’invention du papier blanc nécessita l’inversion des couleurs du dessin, qui devint notamment noir sur fond blanc. Dans les fresques antiques, le blanc était avant tout utilisé comme apprêt, par exemple pour faire un fond uniforme ; cela perdure puisque les toiles sont toujours vendues ainsi préparées. " Le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement. " Wassily Kandinsky Le beige était associé à l’incolore. Grâce aux techniques modernes, c’est maintenant le blanc qui est maintenant associé à l’incolore. Mais c’est une couleur à part entière : il existait même deux types de blanc : le blanc mat « albus » et le brillant « candidus » . Kasimir Malevitch : Carré blanc sur fond blanc, 1918 Dans notre monde moderne, il est associé à l’absence, au manque (page blanche, un blanc dans la conversation). Dans l’imaginaire, il est associé à la pureté et l’innocence. Opposé au rouge, il est symbole de paix. Picasso,Guerre et paix, paix 1952 Il est associé à la virginité pour des raisons d’héritage et de généalogie. Garantie de propreté, d’hygiène, il est lié à tout ce qui touche le corps. (Les draps se sont colorés depuis peu, d’abord dans des couleurs pastel puis la rayure est apparue, laissant place maintenant à des couleurs plus vives) Au moyen âge, la lumière est symbolisée par le doré. La lumière divine est ensuite symbolisée par le blanc. Naturellement les souverains qui représentent l’autorité de l’Eglise, donc d’essence divine, adoptent la couleur blanche : les étendards, la fleur de lys, jusqu’au cheval d’Henri IV ainsi passé à l’histoire... Le blanc est aussi associé à la matière indécise (spectre, fantôme), à la vieillesse, à la mort (linceul) mais aussi à l’innocence (blanc comme neige, montrer patte blanche), le berceau. C’est la couleur du deuil en Asie et en Afrique. En Europe, le blanc est valorisé pour la couleur de la peau (alors qu’il est cadavérique en Asie). En Afrique, c’est la brillance de la peau qui importe, pas la couleur. Le vert Jusqu’au 17ème, c’est une couleur excentrique, elle a un caractère transgressif et turbulent . La Nef des fous. Jheronymus Bosch van AKEN, dit Jérôme Bosch (Bois-Le- Duc, vers 1450 - Bois-Le-Duc, 1516). Vers 1510-1515 - Département des Peintures. Louvre C’est une couleur peu compliquée à obtenir mais chimiquement instable. On l’associe au poison (lié au procédé chimique) et c’est le vert qui passe en premier sur les photos anciennes. C’est donc la couleur de l’instabilité, liée au hasard, au jeu, au destin (on ne savait jamais si elle allait perdurer ou se décomposer), à la finance (couleur du dollar). Elle est censée porter malchance au théâtre (dans la composition du maquillage des comédiens, l’acide borique était hautement toxique et la légende prétend que Molière mort en habit vert) Avant le 17ème siècle, on n’obtient pas le vert par mélange (interdit du moyen âge). C’est au 18ème qu’apparaissent les couleurs primaires et complémentaires. Jusqu’au 18ème, seuls les 4 éléments évoquaient la nature. C’est le Romantisme qui associe le vert à la nature. La croix verte des pharmacies évoquant la médecine par les plantes a actuellement tendance à devenir bleue, couleur de la technologie. Au 19ème, en opposition au rouge, elle symbolise la permissivité (actuels feux de signalisation), la sécurité. Elle évoque à présent la propreté, la pureté : les produits verts prétendent respecter l’environnement. La couleur verte est aussi choisie pour tout uploads/s3/ 2-histoire-des-couleurs-francais.pdf
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- Publié le Sep 16, 2022
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