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Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication NOTE DE L'ÉDITEUR Si j'ai pris la responsabilité de l'édition de ce manuscrit c'est parce que « l'ouvrage que voici est né dans les circonstances que voici ». Antoine Berman est mort à quarante-neuf ans, le 22 novembre 1991. Au cours des trois mois pendant lesquels a sévi sa brutale maladie, il a écrit ce livre, nuit etjour, sans relâche. Il écrivait sur des cahiers d'écolier, d'une écriture fine et précise, sur un coin de la table de la salle à manger, entouré de ses enfants, dans une concentration extrême. À l'hôpital, il ne se couchait pas, transformant son lit en une étendue couverte de livres et de papiers. A mesure qu'il avançait dans son travail, il reprenait son texte sur de nouveaux cahiers et me demandait de jeter les cahiers antérieurs. C'est sous cette forme que ce livre est né dans sept cahiers d'écolier, à spirale, à couverture écossaise bleu et rouge. Sur la couverture du cahier 7, une photocopie en couleur, découpée et collée, d'un portrait de John Donne un visage émacié et, d'après Michel Deguy maisje le crois aussi une certaine ressemblance avec Antoine. Parfois Antoine me lisait des passages qu'il venait d'écrire. Il le faisait également pour des amis qui lui rendaient visite, à l'hôpital, ou à la maison. C'étaient des lectures à voix haute mais je ne savais pas encore à quel point cette voix résonnerait dans le livre. Lectures répétées de l'« Introduction' », ou encore Péguy, Pasternak, Benjamin. Nous l'écoutions, pris dans la voix de l'écriture et dans sa permanence. Les mots que nous entendions démantelaient la forteresse médicale. Le poète n'est jamais malade. « Mon corps, ce papier, ce feu2.» Corps transmué en écriture. Le poème est peut-être la seule forme d'écriture à avoir une voix. Non pas dans le sens où il serait fait pour être dit mais dans la manière dont le dit du poème se fait entendre. Est-ce à cause de cela, par la présence unique de cette voix du poème, résonance pure de l'écriture essentielle, que, dans la tristesse, le poème est consolation ? Au-delà des oppositions de l'« oral » et de l'« écrit» il y a la voix de l'écriture. Ce livre, où nous entraîne la pensée heureuse et calme, péremptoire et ouverte de son auteur, parce qu'il est tout entier pris dans le rayonnement du poème de Donne, a lui aussi une voix. Extrait de la publication Parce que ce livre est un acte d'écriture il est à lire comme un livre achevé. Acte singulier, irréversible, qui nous donne à penser. « La littérature [.]abien pour idéal ce moment [.]où "la vie porte la mort et se maintient dans la mort même" pour obtenir d'elle la possibilité et la vérité de la parole'. ». « La mort [.]est l'extrême [.]. Qui dispose d'elle dispose extrêmement de soi », écrit Blanchot. Respectant l'intégrité du texte, le travail d'édition de cet ouvrage a seulement consisté à compléter ce qui devait l'être quelques citations manquantes ou des notes laissées en blanc. L'auteur prévoyait un chapitre de plus, peut-être un épilogue (comme en témoigne un plan dactylogra- phié) et dans le cahier 5 six pages blanches pourraient indiquer une lacune. Un seul chapitre celui qui traite de la traduction de Donne par Auguste Morel, écrit sur des feuilles volantes était inachevé. Dans l'« Introduction », l'auteur lui accordait une place entre l'analyse de la traduction de Philippe de Rothschild et celle d'Octavio Paz. Pour préserver la continuité du texte existant, le chapitre sur Morel a été placé après l'analyse de la traduction de Paz, sans changer pour autant l'« In- troduction ». Il a fallu également modifier la table des matières qui comportait des imprécisions ou des répétitions. L'auteur voulait-il diviser l'ouvrage en deux grandes parties (cf. le plan) ou en trois ? La seconde solution a été retenue elle place au cœur du livre les analyses des traductions de Donne. Deux notes ont été ajoutées, signalées par un astérisque et placées en bas de page. Je tiens à remercier ici Pierre Leyris ainsi qu'Évanghélos Bitsoris pour l'aide qu'ils m'ont apportée. Je dois à notre ami Pierre Leyris plusieurs lectures éclairées et minutieuses du manuscrit et une disponibilité de tous les instants. Grâce à Évanghélos Bitsoris la plupart des références manquantes ont pu être retrouvées, et ses conseils toujours justes ont guidé l'édition du livre. Je remercie également Claire Miquel dont l'attention portée à la saisie du manuscrit et les nombreuses remarques ont été précieuses. Merci enfin à Georges-Olivier Châteaureynaud et la Société des gens de lettres, à Marie-Claude Bernage, Cécile Gaudin, Nathalie Savary, Michel Camain, Jean-Pierre Berman, Brigitte Fichot, Nella Melega, Rebecca Peyrelon, Vincent Orssaud, Paul Bensimon, Yves Bonnefoy. Isabelle Berman. 1. « Introduction à "Pour une critique des traductions John Donne" », publiée par Michel Deguy, dès janvier 1992, in Po&sie, n°59, Belin, Paris. 2. M. Foucault, Histoire de la folieà l'Âgeclassique, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, Paris, 1972, Appendice 2, p. 583. 3. M. Blanchot citant Hegel in De Kafka à Kafka, Gallimard, coll. Folio/Essais, Paris, p. 35. 4. Ibid., p. 133. Extrait de la publication à Isabelle Nicolas Alexandre Extrait de la publication Extrait de la publication INTRODUCTION L'ouvrage que voici est né dans les circonstances que voici. Depuis plusieurs années (1985 exactement), je travaillais à un livre sur la traduction en France du XIV* au XVIIe siècle, centré sur les figures de Nicole Oresme, Jacques Amyot, Joachim du Bellay et Perrot d'Ablancourt. Mais le livre, comme on dit, traînait la patte. Pour toutes sortes de raisons, le temps me faisait défaut pour y travailler continûment. Par ailleurs, il exigeait des lectures étendues de sources primaires et secondaires et, plus fondamentalement, une pénétration des mondes des xiv, XVIe et XVIIe siècles qui n'allait pas de soi. Habiter l'univers du romantisme allemand, c'est-à-dire la fin du XVIIIe siècle, m'avait été beaucoup plus aisé. La remontée « archéologique » vers Amyot et a fortiori Oresme n'autorisait aucune intimité immé- diate. Néanmoins le livre avançait, lentement, année après année, nouvelle version, enrichie de nouvelles lectures, après nouvelle version. Mon impression d'ignorance, ou plutôt, de savoir lacunaire, diminuait. Mais le travail à accomplir restait considérable. Et le temps que je pouvais lui accorder toujours aussi réduit. Par ailleurs, un sentiment tenace m'habitait ce livre serait-il la vraie « suite » de L'épreuve de l'étranger ? Ne serait-il pas trop « érudit », trop « historique » ? En me posant ces questions, je pensais évidemment aux lecteurs de L'épreuve de l'étranger dont j'avais pu connaître les réactions. N'attendaient- ils pas un « autre livre » que celui que je préparais laborieuse- ment ? Il me le semblait parfois. Mais quel livre ? Je n'avais aucun autre livre en tête, du moins pour l'immédiat. Enfin, tout cela était me donner trop d'importance. Il y a un an, je dus entreprendre, pour l'université, la Extrait de la publication rédaction d'une « synthèse » de mes « travaux » sur la traduc- tion, c'est-à-dire de L'épreuve de l'étranger et des divers textes et articles que j'avais publiés depuis 1984, ou même avant. Là encore, les choses furent au début très laborieuses. « Synthéti- ser» L'épreuve de l'étranger fut particulièrement difficile. Mais tout changea lorsquej'en vins à l'un des chapitres de la synthèse consacré à mes « analyses de traductions ». Dans mes séminai- res du Collège international de philosophie, j'avais fait beau- coup d'analyses de traductions, par exemple de La tâche du traducteur de Walter Benjamin, par Maurice de Gandillac, du Paradis perdu de Milton, par Chateaubriand, d'Antigone, par Hôlderlin, de L'Énéide, par Klossowski, d'un conte de Grimm, par Armel Guerne et Marthe Robert, etc. Peu à peu, encore que de manière improvisée et embryonnaire, s'était ébauchée, sinon une « méthode », du moins une forme d'approche des traductions. Pour ma synthèse, j'avais choisi la dernière analyse faite au Collège international de philosophie (1989), celle d'un poème de John Donne, l'élégie XIX Going to bed, un des plus beaux « poèmes d'amour » que je connaisse. Dans mon sémi- naire, je commentais l'élégie et la confrontais à deux traduc- tions françaises (Yves Denis, Philippe de Rothschild) et à une traduction mexicaine (Octavio Paz). En reprenant le texte de mon séminaire et en cherchant à l'adapter pour ma synthèse, il se passa quelque chose d'im- prévu le chapitre en question se mit à grandir, grandir, jusqu'au moment où il me devint clair que cette partie de la synthèse (intitulée initialement « Les analyses de traductions ») désirait devenir un livre. Un livre qui était à la fois, ou restait, comme dans la synthèse, un ouvrage sur la critique des traduc- tions, sur le genre « critique des traductions » et un ouvrage sur John Donne, ses traductions (anciennes) et sa (future, désira- ble) retraduction. Tout alors se mit à aller très vite, et le livre s'écrivit dans une sorte d'impatience qui n'excluait cependant pas la patience de multiples réécritures et de uploads/s1/antoine-berman-pour-une-critique-des-traductions-pdf.pdf
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- Publié le Jan 21, 2021
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- Langue French
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