● ● ● 57 Partie 2 Le contrôle démocratique des services de sécurité Rapport de

● ● ● 57 Partie 2 Le contrôle démocratique des services de sécurité Rapport de la Commission européenne pour la démocratie par le droit 12 Résumé général La nécessité de contrôler les services de sécurité 1. La sauvegarde de la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat est vitale pour la protection des autres valeurs et intérêts de l’Etat. Pour anticiper, prévenir et se protéger des menaces contre la sécurité nationale, un Etat a besoin de services de renseignement et de sécurité efficaces : le renseignement est une nécessité incon- tournable pour les gouvernements modernes. 2. Les agences de sécurité ont pour mission de recueillir un maximum d’infor- mations sur les menaces qui pèsent sur l’Etat ; ceci suppose de collecter des don- nées sur les individus. C’est pourquoi les services de sécurité, par nature, empiètent sur les droits des individus. Il est donc impératif de fixer des limites tant internes qu’externes à leurs activités. 3. Par ailleurs, les menaces terroristes de l’après-11-Septembre ont entraîné de nouveaux défis pour la sécurité. Le renseignement est l’une des principales armes à la disposition de l’Etat pour combattre le terrorisme et lutter contre la dissémination d’armes de destruction massive. Les Etats doivent apporter une réponse transnationale, basée sur des réseaux, et la coopération interagences doit 12. Adopté par la Commission de Venise lors de sa 71e session plénière (Venise, 1er-2 juin 2007), sur la base des observations de MM. Iain Cameron (membre suppléant, Suède), Olivier Dutheillet de Lamothe (membre suppléant, France), Jan Helgesen (membre, Norvège), Ian Leigh (expert, Royaume-Uni), Franz Matscher (expert, Autriche), Valery Zorkin (membre, Fédération de Russie). 58 ● ● ● Forces armées être intensifiée. Un contrôle démocratique plus strict et d’un type différent est aujourd’hui indispensable. 4. Les services de sécurité prennent naturellement leurs instructions du gou- vernement. Ils doivent être contrôlés de manière adéquate par l’exécutif afin d’éviter qu’ils ne développent une mentalité « d’Etat dans l’Etat ». Bien évidem- ment, ils sont et doivent être dotés d’outils technologiques de pointe et jouir de pouvoirs exceptionnels mais ils ont une tendance naturelle à collecter trop d’in- formations, d’où la nécessité de protéger les personnes contre un usage abusif et illégitime des renseignements recueillis à leur sujet. 5. Les services de sécurité sont, par leur nature même, en position d’abuser des prérogatives de la puissance publique. La subjectivité et la flexibilité de la notion de « sécurité nationale », associées à son importance vitale pour l’Etat, font que les gouvernements disposent dans ce domaine d’une large marge de manœu- vre. Ceux-ci pourraient être tentés d’utiliser les services de sécurité pour poursui- vre des buts illégitimes. Il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes permettant de prévenir les abus politiques tout en assurant une gouvernance effective de ces agences. Contrôle 6. Les services de sécurité doivent être « contrôlables ». Cela signifie qu’ils sont tenus de devoir rendre des comptes ou fournir des explications sur leurs actes et, si nécessaire, d’en subir les conséquences, d’en endosser la responsabilité et de remettre les choses au point, s’il apparaît que des erreurs ont été commises. 7. Sous une forme simplifiée, quatre types de contrôle de l’Etat sont identi­ fiables : – le contrôle exercé par le parlement ; – le contrôle exercé par les autorités judiciaires ; – le contrôle exercé par des experts ; – les mécanismes de recours. Les deux dernières formes de contrôle sont des compléments ou des alternatives aux deux premières. 8. Soumettre les services secrets à un contrôle pose des problèmes particuliers. La politique et les opérations de sécurité nationale doivent s’accompagner d’un niveau élevé de secret, ce qui renforce le contrôle du gouvernement aux dépens du pouvoir législatif et le met à l’abri des critiques. ● ● ● 59 9. Même exercé par le gouvernement, le contrôle est rendu difficile par la nature même du travail des services secrets : le gouvernement est tributaire des connaissances particulières des experts. 10. Dans ce contexte, le contrôle par les tribunaux n’en devient que plus impor- tant, mais les tribunaux ordinaires, même lorsque leurs compétences formelles en matière d’examen des décisions dans ce domaine ne sont pas entravées par des aspects procéduraux (immunité, secret de l’information, etc.), rencontrent souvent de grandes difficultés pour examiner dans la pratique les larges pouvoirs discré- tionnaires du gouvernement en la matière. 11. Juger de l’évaluation faite d’un renseignement est un exercice difficile en soi : il ne convient pas seulement de vérifier les données solides (les informations purement factuelles), mais aussi et de plus en plus des évaluations subjectives de la menace actuelle ou future pour la sécurité nationale que posent des faits ou des personnes. 12. Il existe plusieurs schémas d’organisation de la fonction de sécurité intérieure. Elle peut être confiée à une agence unique ou répartie entre plusieurs agences et/ ou la police. Le contexte organisationnel détermine le pouvoir ou l’influence véri- table de l’agence. 13. S’agissant de la forme du mandat, il est hautement préférable de fixer les règles principales par la loi. Il est essentiel, en tout cas, que les normes concernant les services de sécurité intérieure soient aussi claires et concises que possible et qu’elles ne soient tenues secrètes qu’en cas de nécessité absolue. 14. Le contenu du mandat peut varier grandement d’un Etat à l’autre, selon les priorités en matière de sécurité, déterminées par les facteurs sociopolitiques, et le caractère plus ou moins « proactif » des tâches confiées aux services de sécurité. 15. Le contrôle interne des services de sécurité est exercé par l’agence de sécu- rité elle-même et au moyen de contrôles administratifs menés par des fonction- naires permanents de rang hiérarchique supérieur issus des départements du gouvernement auxquels l’agence est subordonnée. Le contrôle interne est la principale garantie contre les abus de pouvoir, lorsque le personnel travaillant au sein des agences est tenu au respect des valeurs démocratiques de l’Etat et des droits de l’homme. Il existe divers mécanismes permettant de renforcer le contrôle interne, par exemple la qualité du personnel (qui peut être améliorée par le recru- tement et la formation) ; l’existence d’une autorité indépendante chargée de contrôler l’agence au nom du gouvernement (un inspecteur général) ; des règles internes claires de délégation et de responsabilité des décisions et des dépenses, de l’audit financier. 60 ● ● ● Forces armées 16. Un contrôle gouvernemental adéquat est l’une des conditions préalables à toute surveillance parlementaire efficace. Néanmoins, le renforcement du contrôle gouvernemental sur une agence représente en soi un risque de manipulations et d’abus politiques. Certains mécanismes sont susceptibles de réduire ce risque, par exemple le maintien en fonction de la direction de l’agence ; les limites juridiques de ce que l’agence peut entreprendre, des mécanismes indépendants chargés de traquer les abus, une documentation correcte des directives politiques (« traçabi- lité écrite »). 17. La coopération internationale entre les agences de renseignement est de plus en plus indispensable pour lutter contre le terrorisme, mais implique souvent encore davantage de secret, ce qui pose des problèmes de contrôle. Les échanges internationaux de renseignements peuvent échapper aux mécanismes de contrôle nationaux existants. Contrôle par le parlement 18. La légitimité et l’autorité ultimes des agences de sécurité devraient découler de l’approbation législative de leurs pouvoirs, le contrôle exercé par le parlement étant destiné à prévenir les abus politiques et à veiller au bon usage des fonds publics. La surveillance du parlement porte également en soi des dangers : manque d’expérience et de professionnalisme des parlementaires ; fuites de renseignements sensibles dans la presse ou auprès du grand public. La possibilité pour les agences de sécurité de taire ou de dissimuler des informations devant un enquêteur « ama- teur » démontre que les questions posées par le parlement ou les commissions parlementaires ad hoc ne présentent qu’une efficacité limitée dans ce domaine. 19. Dans les régimes présidentiels où le Président contrôle toutes les questions de sécurité intérieure, des antagonismes avec le parlement peuvent survenir. 20. Les attributions de l’organe de surveillance parlementaire sont variables (politique, opérations, questions de légalité, efficacité, respect des droits de l’homme). Néanmoins, lorsqu’elles s’étendent aux opérations, cet organe de surveillance doit s’interdire de divulguer certains détails opérationnels au reste du parlement et au grand public. L’accès aux détails opérationnels sera souvent « ex post », mais il est difficile de déterminer à quel moment une opération prend fin, et le fait que l’opération de renseignement « suive son cours » peut être avancé comme excuse si les relations entre l’agence et l’organe de surveillance ne reposent pas sur la confiance mutuelle. Lorsque ses attributions dépassent la simple politi- que, l’organe de surveillance devrait disposer au minimum d’une capacité d’inves- tigation résiduelle qui lui soit propre (ce qui implique qu’il dispose de personnel) et avoir accès aux informations et aux documents des experts. ● ● ● 61 21. S’agissant du personnel de l’organe de surveillance, il doit disposer de l’ex- pertise requise, en l’occurrence que ses membres aient au préalable exercé des fonctions liées au renseignement. 22. De plus – ou alternativement –, l’organe uploads/s1/ forces-armees-et-services-de-securite-quel-controle-democratique.pdf

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  • Publié le Sep 21, 2021
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